Traditionnellement, un « krach » boursier se définit par une baisse d’au moins 20% des marchés actions. Avec 8% de baisse pour le MSCI World Index en un mois, 10,7% pour l’indice Stoxx Europe 600 ou 12,1% pour le CAC 40, on semble encore loin du compte.
Mais si l’on prend le dernier plus haut des marchés, soit le 10 juin dernier, la baisse atteint près de 16% pour le CAC 40. Surtout, c’est l’accélération de la baisse qui surprend et peut inquiéter.
A cela s’ajoutent d’autres indicateurs de nervosité des investisseurs : les indices de volatilité s’envolent, la fuite vers les valeurs « refuge » provoque une chute des rendements obligataires (Bund, bons du Trésor notamment) et une hausse de l’or. Les flux sortent massivement des actifs à risque (actions notamment) pour aller se réfugier vers le monétaire.
Au-delà de la correction des Bourses, les indices d’une correction d’ampleur semblent aujourd’hui réunis.
Comment cela se déroule-t-il ?
Anomalie de marché
Le point de départ d’une correction tient souvent à une situation peu tenable sur les marchés, qui conduisent à un écartement, voire une déconnexion entre les prix de marché et la réalité (les « fondamentaux » : évolution des ventes, profitabilité, …).
Dans certains cas, les investisseurs peuvent devenir « complaisants », c’est-à-dire qu’ils sont prêts à payer plus cher pour un actif donné, même si les fondamentaux de cet actif ne le justifient pas.
Cette complaisance est d'autant plus persistante que les banques centrales, par leurs injections massives de liquidités depuis la crise, amplifient la déconnexion entre le prix des actifs et la réalité. Depuis 2009, une grande partie de la hausse des Bourses a été alimentée par les annonces successives des "QE" de la Fed, des "Abenomics" et maintenant du "Draghinomics".
Sur les marchés actions, les analystes de Morningstar observaient depuis quelques mois déjà une valorisation tendue, qui offrait peu de potentiel de hausse, voire exposait à un risque de perte en capital. Ce risque est en train de se matérialiser.
Le décalage entre prix et valeur fondamentale est fréquent sur les marchés et c’est justement les écarts à la hausse ou à la baisse qui caractérisent les situations de bulle ou de panique.
Excès de pessimisme
En théorie, les investisseurs devraient apprécier la valeur d’une action de façon froide et n’acheter que lorsque celle-ci se traite avec une décote par rapport à cette valeur, qui est estimée à partir de modèles.
La réalité est un peu différente. Les investisseurs peuvent se laisser dominer par leurs émotions, ce qui les conduit à ne plus prendre de recul.
A partir d’un moment, un élément de marché – la détérioration des indicateurs économiques en zone euro et en Allemagne, puis des statistiques moins bonnes aux Etats-Unis dans le cas présent – déclenche la correction et les réallocations de portefeuille entre classes d’actifs.
Mais il faut bien se rappeler que les prix de marché ne sont que le reflet de vues parfois très différentes entre différents types d’intervenants, lesquels n’ont pas toujours les mêmes horizons de placement (sans même parler du rôle que peuvent jouer les automates de trading…).
D’ailleurs, tous les investisseurs n’interviennent pas nécessairement au même moment sur les marchés, ce qui explique l’impression de vague à la hausse comme à la baisse.
Forces de rappel
Il arrive toujours un moment où les marchés « capitulent ». Cette phase est critique car elle est généralement proche du point bas, c’est-à-dire du moment où, après un mouvement de panique, la plupart des intervenants se rendent compte des excès et considèrent de nouveau les différentes classes d’actifs comme étant attrayantes.
Il arrive en effet toujours un moment où, par comparaison avec l’historique de valorisation ou compte tenu de publications de résultats ou de statistiques finalement meilleures (ou moins mauvaises) que prévu, les investisseurs considèrent que les marchés sont allés trop loin (on prend souvent l’image d’un élastique qui serait trop tendu et qui, soudainement relâché, repartirait dans l’autre sens).
Un autre élément déclencheur de la fin de la baisse (ou de la hausse) c’est un acteur extérieur au marché – aujourd’hui plutôt les banques centrales – qui prend une position suffisamment convaincante pour que les intervenants changent leur vue.
Le cas d’école, c’est le fameux discours de Mario Draghi à l’été 2012 (« nous ferons tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro ») qui avait mis un terme à la spéculation sur l’implosion de la zone euro, confronté aux difficultés de plusieurs économies de la périphérie et aux fragilités induites dans le système bancaire européen.
Aujourd’hui, le discours de la BCE va plutôt dans le sens d’une amplification des injections de liquidités dans le système financier et la recherche de mécanisme de relance du cycle de crédit, deux moteurs qui, avec l’annonce d’un plan d’investissement à l’échelle de l’ Europe, devraient favoriser les classes d’actifs risquées. Mais pour l’heure, les marchés font mine d’ignorer de tels faits.