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Fuite en avant de la BoJ, irrationalité des marchés - RF Research

La réaction des marchés à l’annonce de la BoJ d’étendre ses achats d’actifs laisse pantois.

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La Banque du Japon aux abois

80 trillions de yens par an, tel est le nouvel objectif d’injections de liquidités annoncé par la BoJ vendredi, soit une augmentation de 10 à 20 trillions par rapport à la cible antérieure de 60 à 70 Trillions de yens. A coup de trillions, difficile de garder ses repères; pour ceux qui n’auraient pas suivi tous les développements de cette épopée, il s’agit de porter le montant des injections de liquidités à plus de 15 % du PIB nippon (486 trillions de yens).

Le bilan de la banque centrale, déjà enflé de 28 % à 52 % du PIB entre le début de l’année 2012 et le deuxième trimestre de cette année, n’a donc pas fini son ascension et devrait, selon toute vraisemblance, dépasser 70 % du PIB d’ici quelques trimestres... Quand et comment se termine cette course effrénée ? Nul ne peut le dire mais il s’agit indiscutablement d’une tendance hautement préoccupante pour l’avenir.

La chute du yen, un faible soutien à l’exportation…

La réaction des marchés des changes à cette annonce ne s’est pas fait attendre ; alors que la devise japonaise avait écopé d’un statut de valeur refuge dans le climat turbulent de ces dernières semaines, le yen a dévissé de près de 3 % contre le dollar dans la journée de vendredi, ressortant à un plus bas depuis décembre 2007. A plus de 112 yens pour un dollar, la devise japonaise semble dès lors bien partie pour franchir le seuil de 120 JPY/USD plus vite que prévu dans notre scénario (printemps 2015).

En quoi un tel mouvement justifie-t-il un tel enthousiasme des marchés financiers internationaux ?

La chute du yen stimulera sans doute les marges des entreprises nippones, c’est un fait. Que la politique monétaire actuelle serve durablement la croissance est toutefois beaucoup moins sûr. L’expérience de 2012 est là pour nous rappeler à quel point les effets positifs d’un choc de compétitivité peuvent être furtifs. En l’absence de croissance suffisante de la demande internationale, la tentative de 2012 s’est vite retournée, en effet, contre les exportateurs japonais eux-mêmes.

Avec plus de 55 % de ses débouchés en Asie, le Japon a tôt fait de payer les pots cassés d’une politique visant à exporter sa déflation chez ses voisins, dont l’effet presque immédiat a été de réduire la croissance des marchés précisément recherchés. Or, la dynamique de la demande régionale n’est guère plus solide aujourd’hui qu’à l’époque. On peut, en revanche, redouter que la politique de la BoJ fragilise bon nombre de pays d’Asie d’ores et déjà en situation de déflation rampante, dont, parmi les plus importants, la Corée et la Chine.

…Une mauvaise nouvelle pour les consommateurs…

La dépréciation du yen a, par ailleurs, largement sanctionné les consommateurs japonais dont les gains salariaux ont en large partie été absorbés par le renchérissement des importations ces derniers trimestres, avant, récemment, de payer le contrecoup de la hausse des taxes à la consommation. Malgré l’accélération des rémunérations nominales, les salaires réels se sont contractés à un rythme de 1,3 % l’an en moyenne cette année, ce qui constitue la plus mauvaise performance depuis l’année 2009. Alors que la chute des cours du pétrole de ces dernières semaines offrait une chance de venir compenser une partie de ces pertes, le nouveau repli du yen confisque de facto cette opportunité.

Le Japon a donc peu de chances de voir son avenir un tant soit peu amélioré par l’accroissement des injections de liquidités décidé par la BoJ.

… Et les concurrents du Japon

Plus surprenante, encore, est toutefois la réaction des marchés internationaux à cette annonce. En Asie, tout d’abord, où on l’a compris, les choix de la BoJ viennent pénaliser les partenaires régionaux du Japon. En Europe, ensuite, où l’accentuation de la compétition en provenance du Japon a déjà notablement pesé sur les exportateurs allemands ces derniers trimestres et pour lesquels la nouvelle dépréciation du yen constitue incontestablement une menace.

Irrationalité préoccupante

L’enthousiasme des marchés financiers internationaux à l’annonce de la BoJ semble donc ne pouvoir s’expliquer que par la promesse de liquidités toujours plus abondantes malgré l’arrêt du programme de quantitative easing de la Fed. De fait, la croissance des liquidités ne semble pas sur le point de s’infléchir.

À en juger par les options de la BoJ et les promesses - à confirmer- de la BCE, le bilan des quatre principales banques centrales des pays développés - Fed, BCE, BoJ et la BoE- pourrait croître de quasiment de 2 trillions de dollars supplémentaires au cours des douze prochains mois ; une évolution digne de l’année 2011 !…

Les liquidités ne garantissent toutefois pas la croissance économique et, à en juger par les perspectives actuelles, le risque de désenchantement pourrait ne pas tarder à se concrétiser.

La BCE fera-t-elle retomber le soufflé dès cette semaine ? Ce n’est pas impossible. Car, si le contexte européen l’incite sans doute à envisager d’accroitre son soutien à l’activité, ni ses moyens ni sa volonté ne devraient l’encourager à venir souffler sur ce qui ressemble de plus en plus à un brasier spéculatif.

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A propos de l'auteur

Véronique Riches-Flores

Véronique Riches-Flores  Présidente de RF Research, cabinet indépendant d'analyse économique et financière.