Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Bernard Aybran, directeur de la multigestion chez Invesco Asset Management.
A nouveau en 2014, les investisseurs mondiaux ont acheté plus de fonds obligataires que de fonds actions. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait durant 6 des 7 dernières années. Cette préférence s’affirme alors que les obligations n’ont jamais aussi peu rapporté. Faut-il y voir le résultat d’un comportement irrationnel, destiné à se corriger à terme ?
Approcher cette question d’un point de vue strictement économique amène, au niveau mondial, à conclure à une irrationalité : les perspectives économiques mondiales s’avèrent relativement satisfaisantes, si l’on s’en tient aux anticipations de croissance économique ou d’inflation.
La première devrait être suffisamment élevée et la seconde en baisse, deux composantes de ce qu’un économiste pourrait qualifier d’optimal. Bien évidemment, cette irrationalité apparente trouve en grande partie son origine dans la situation de la zone euro, à nouveau menacée par la déflation, l’absence de croissance de long terme, voire de dislocation. En somme, le scénario envisagé assez sérieusement en 2012.
Cependant, la chute brutale des prix du pétrole explique également les difficultés de bon nombre d’économies, en grande partie émergente. Or, cette baisse des prix est l’équivalent d’une subvention aux économies occidentales, et devrait venir compenser les craintes de ralentissement. Pour l’heure, les deux sources de nervosité semblent bien au contraire s’additionner dans l’esprit des investisseurs.
Le point de vue d’un investisseur actions pourrait s’avérer assez différent : avec des dividendes bien souvent supérieurs au rendement des emprunts d’Etat, les actions présentent un réel attrait pour l’ensemble des investisseurs à la recherche de rendement, partout dans le monde.
Le rendement estimé du dividende pour 2015 atteint 2% au Japon, 2,1% aux Etats-Unis et 3,8% en Europe. Ce rendement suppose des croissances bénéficiaires respectives de 7,8%, 8,6% et 9,3%, anticipations loin de l’exubérance. Toutefois, les investisseurs européens ont en 2014 connu une nouvelle année de fortes révisions à la baisse : en début d’année, la croissance des bénéfices était attendue à +14,7% mais n’est plus estimée qu’à +2,8% douze mois plus tard.
Le contexte macro-économique du continent fait peser toujours plus de doutes sur le consensus qui s’établit en cette nouvelle année. Dans ces conditions, les multiples de valorisation classiques comme le rapport cours sur bénéfice (PE) pourraient s’avérer trompeurs sur les actions de la zone euro. Sur d’autres grandes régions, aux premiers rangs desquelles les Etats-Unis ou le Japon, les bénéfices ont effectivement été au rendez-vous en 2014 et devraient continuer à progresser en 2015.
Enfin, du point de vue de l’offre et de la demande sur les marchés obligataires, la balance explique de manière tout à fait rationnelle que les obligations soient toujours plus chères : le déficit des grands fonds de pension anglo-saxons demeure très important et s’est accru en 2014, sous l’effet mécanique du « taux d’actualisation » : la baisse des taux d’intérêt accroît la valeur actuelle des retraites qui devront à l’avenir être payées.
La réaction, tout à fait rationnelle, des fonds de pension devant cette situation consiste à « raccourcir leur actif », c’est-à-dire vendre des actifs de plus long terme (dont les actions) pour acheter des actifs plus courts, comme des obligations. Cet accroissement de la demande d’obligations vient se confronter à une baisse de l’offre d’emprunts d’Etat entre 2014 et 2015, du moins dans les économies du G7 : -3% aux Etats-Unis, -8% en Allemagne (où les émissions d’emprunts d’Etat devraient atteindre leur plus bas niveau depuis 2002) et -12% en France et en Italie.
Moins d’offre et plus de demande amènent, tout à fait rationnellement, à une hausse des prix, c’est-à-dire, en matière obligataire, à une baisse des taux : les taux d’intérêt négatifs deviennent toujours plus fréquents et concernent des maturités toujours plus longues.
Durant le mois de décembre, les portefeuilles diversifiés multigérants Invesco ont bénéficié d’arbitrages sur l’ensemble des classes d’actifs. Tout d’abord, l’exposition au dollar a continué à augmenter, comme c’est le cas depuis plusieurs mois maintenant. Les placements obligataires sont demeurés concentrés sur des signatures de catégorie Investment Grade et leur duration a été accrue, via les marchés de dette en euro, à la fois souveraine et corporate.
Sur les investissements actions, le mouvement entamé il y a plusieurs mois a été poursuivi : les actions européennes ont été réduites et sont désormais sous-pondérées dans la plupart des portefeuilles. Cet arbitrage a été effectué pour partie au profit des actions américaines et pour partie au profit des emprunts d’Etat.