Frédéric Tempel, gérant chez AXA IM, revient sur la performance de l'immobilier coté et sur l'intérêt qu'il peut représenter pour des investisseurs en quête de rendement.
Après une année de nette surperformance de l’immobilier coté en Europe, quel est votre vue sur la valorisation du secteur ?
On sent un peu de tensions sur les valorisations.
Les excellentes performances du secteur en Europe l’an dernier sont dues en grande partie à l’exceptionnelle performance du secteur allemand qui a monté de 40%. Cela s’explique par des annonces de fusions-acquisitions, et l’impression que le segment résidentiel allemand ressemble le plus à une rente ultra sécurisée dans la meilleure économie de la zone euro. Bref, un actif ressemble à du Bund avec un surcroît de rendement.
Ces valeurs commencent d’ailleurs à être chères. Il y a un an, elles présentaient une décote de 20% sur l’actif net; aujourd’hui, elles se traitent avec une prime. La valeur des portefeuilles immobiliers sous-jacents va monter, validant les anticipations du marché, mais on est plutôt dans une logique de momentum qu’une logique de titres bon marché.
En dehors de l’Allemagne, il y a beaucoup de segments qui n’ont rien fait, comme l’immobilier de bureau français (Icade, Gecina, Foncière des Régions), en raison de leur exposition au cycle économique français, économie perçue l’année dernière comme l’homme malade de l’Europe.
Ces titres connaissent d’ailleurs un très bon mois de janvier et pour certains titres, ont encore un peu de vent dans les voiles.
De façon générale, l’environnement en Europe en 2015 sera très bon pour l’immobilier : un coût de financement très bas, un peu de croissance au second semestre (grâce aux effets du pétrole et de l’euro faibles).
Les marchés ont toutefois envie de le voir dans les fondamentaux avant de l’acheter. Si on a une validation d’un scénario d’amélioration de la croissance, ce sera un millésime plutôt favorable pour les investisseurs immobiliers.
Quel peut être l’impact de la BCE sur la valorisation ?
L’une des principales conséquences est la réallocation des portefeuilles institutionnels. La baisse des taux est une situation problématique en termes de rentabilité des obligations. Cela oblige les investisseurs à repenser leur stratégie de savoir où trouver des rendements.
Or ces investisseurs considèrent que l’immobilier que est la classe à renforcer en priorité en 2015.
Cela étant, plus d’argent est prêt à s’investir, mais le stock d’actifs immobiliers de qualité est limité. Logiquement, on aura une montée des prix, donc une compression des taux de rendement.
Actuellement, le rendement moyen en Europe pour ce type d’actifs est entre 4,5% et 5,5%. Historiquement, on sait que lorsque les rendements locatifs d’actifs de grande qualité chutent sous les 4% (moyenne observée sur un cycle complet), les investisseurs peuvent aller aux devants de performances décevantes.
Quel impact peut avoir le recul de l’euro ? La demande d’investisseurs étrangers peut-elle croître plus fortement ?
C’est plutôt un élément marginal et positif, mais ce n’est pas le seul facteur. Les investisseurs étrangers ont aussi besoin d’être rassurés sur les fondamentaux de l’économie de la zone euro. L’élément important c’est de voir comment l’économie va réellement se comporter, et si le redémarrage attendu sera endogène.
Un investisseur en quête de rendement peut-il encore s’intéresser à l’immobilier ? Qu’est-ce que cela lui apporte ?
On a toujours des rendements qui sont très attractifs par rapport au niveau des taux d’intérêt. Même si la tendance est à l’appréciation des prix, la chute des taux d’intérêt est telle que l’écart est toujours intéressant.
La particularité de l’immobiler est que le flux de loyer (la rente) est garanti par des contrats à long terme.
La réalité est que les toutes les classes d’actifs de rendement se corrèlent de plus en plus avec les marchés obligataires. C’est aussi vrai pour l’immobilier. Cette corrélation qui se renforce signifie que les bénéfices de diversification offerts par la classe d’actifs sont moins importants.
Comment a évolué votre portefeuille récemment ?
On a opéré une rotation vers les titres plus en retard, plus présents en France et en Europe du Sud au détriment du Royaume-Uni ou de l’Allemagne, qui ont été les deux pays qui ont le mieux performé dans le cycle.
On devrait commencer à avoir des conditions avec le QE plus favorables à un rattrapage de la deuxième partie de l’année.
Nous cherchons aussi à anticiper l’évolution des usages, et l’impact des nouvelles technologies sur le secteur. Dans cette perspective, nous trouvons des titres intéressants comme Unite, une foncière britannique spécialisée dans le logement étudiant. Dans les centres commerciaux, Unibail-Rodamco a été une foncière qui a bien anticipé les mutations de son secteur. Mais aujourd’hui elle nous semble très bien valorisée. Klépierre a rattrapé son écart en termes de positionnement stratégique, mais il y a toujours un écart de valorisation selon nous qui nous semble attrayant.