La nouvelle vie du baril

Pour Frédéric Lasserre, de Belaco Capital, l’effondrement du cours du pétrole n’est pas dû à l'huile de schiste, mais à la chute inattendue de la demande. Et sur l’Arabie saoudite…

Valerio Baselli 30.01.2015
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La question que l’on entend le plus souvent de la bouche des investisseurs en ce début d’année est toujours la même : la correction du pétrole est-elle terminée?

A cette (difficile) interrogation Frédéric Lasserre, président et co-fondateur de Belaco Capital, a tenté de répondre jeudi matin lors de la conférence d’investissement annuelle organisée par ETF Securities à Paris.

Le faux mythe des huiles de schiste

« Lorsqu’on parle de l’effondrement des cours du pétrole dans les 6-7 derniers mois, la version prédominante est que la production américaine de l'huile de schiste soit à la base de la chute des prix », a affirmé Lasserre. « En réalité, ce sont les révisions de prévisions de demande intervenues à partir du mois de juin qui ont joué le rôle déclencheur. Mais les fondamentaux du marché étaient fragiles puisque le marché est en excédent depuis 2012, alors que les prix étaient restés stables », a-t-il ajouté.

« Avec des prévisions de croissance de la demande pour l’année divisées par deux entre janvier et juin 2014, et encore diminuées dans la seconde moitié de l'année, les acteurs du marché ont compris que le surplus d’offre allait prendre des proportions ingérables ».

Mais pourquoi alors le marché n’a-t-il pas anticipé une telle chute ? « Le secteur du pétrole ne s’est pas posé de question jusqu’à ce que tous les économistes, du FMI, de l’OCDE et des grandes banques, revoient leur scénario de croissance économique pour 2014 et pour 2015 », a estimé le gérant.

Le début d’un nouveau monde ?

Du coup, la question à se poser n’est pas de savoir quand le pétrole sera de retour vers 80 dollars le baril, mais si un tel scénario est envisageable au cours des prochaines années. « Il y a à peine 20 ans, le prix d’équilibre était de 20 dollars le baril », a rappelé le président de Belaco Capital. « Il arrivait à 30 dollars pendant les périodes de croissance et il descendait à 10 dollars pendant les périodes de récession. » En 2003, la valeur d’un baril de brut était de 26 dollars, avant de commencer la remontée historique qui en cinq ans l’a conduit à près de 150 dollars.

« Nous pourrions donc se retrouver au début d’un nouveau monde pour le marché du pétrole, où le prix d’équilibre est bien en-dessous de la moyenne des dix dernières années ».

Le rôle de l'Arabie saoudite

Les saoudiens, le seul pays considéré comme un swing producer avant l'arrivée de l'huile de schiste (c’est à dire un pays qui peut diminuer et augmenter sa production très facilement), ont clairement fait savoir qu’ils ne sont pas prêts à réduire leur offre. « C’est normal, car le pays considère que ce n’est pas dans son intérêt.

Si l’Arabie saoudite réduisait sa production aujourd’hui pour rééquilibrer le marché, elle transférerait ses parts de marché et ferait remonter les cours à un niveau où le développement des pétroles de schiste continuerait sans problème, et ils ne vont certainement pas aider un concurrent direct » a estimé Frédéric Lasserre.

Les saoudiens fondent leur gestion sur le long terme, car ils disposent au moins de cinquante ans de réserves devant eux. « Ils visent à produire 9-10 millions de barils par jour à un prix moyen de 60 dollars. Mais attention, se garantir un prix moyen de long terme de 60 dollars le baril ne consiste pas à essayer de figer le prix autour de 60 dollars en permanence, plutôt à gérer les périodes où les cours doivent économiquement être très en-dessous pour stimuler la demande, et d’autres périodes où ils doivent être élevés pour obtenir l’inverse » a conclu le gérant.

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A propos de l'auteur

Valerio Baselli

Valerio Baselli  est éditorialiste sénior chez Morningstar.