Hortense Bioy, responsable de la recherche gestion passive en Europe, analyse les raisons du succès des ETF. Cet entretien a été initialement publié dans la revue Analyse financière de la SFAF (société française des analystes financiers) n°54 janvier-mars 2015 et a été réédité par Morningstar France.
Pourquoi un tel engouement pour la gestion passive ?
La gestion passive (ETF, mandats et fonds indiciels) connaît une croissance fulgurante. Elle a doublé en 10 ans en Europe, passant de 8 à 15% des encours totaux sous gestion, alors qu’au Royaume-Unis, elle est passée de 15 à 25%. Aux Etats-Unis, la gestion passive représente désormais 30 à 35% des encours totaux sous gestion.
Les raisons de cette montée en puissance sont simples. Tout d’abord, les investisseurs se sont lassés, à juste titre, des performances décevantes des gérants traditionnels. Ils réalisent qu’une minorité de gérants parviennent à battre leur indice de référence sur le long terme et que ces gérants sont difficiles à trouver.
Les performances décevantes de ces 10-15 dernières années ont aussi sensibilisé les investisseurs aux coûts. Jugeant les frais de nombreux gérants excessifs, de plus en plus d’investisseurs se tournent vers des solutions moins coûteuses, comme les trackers. Il est bon de noter que les frais de gestion sont l’une des rares données quantitatives à avoir un pouvoir prédictif sur la performance future d’un fonds. C’est ce qu’a montré notre recherche Morningstar aux Etats-Unis. Ainsi, plus les frais sont bas, plus la performance a des chances d’être élevée.
Le contexte législatif favorise-t-il la gestion passive ?
Au Royaume-Uni, la « Retail Distribution Review » (RDR) interdit depuis janvier 2013 les rétrocessions (les versements par les promoteurs de produits d’investissement aux conseillers financiers). N’étant plus incités à choisir les produits offrant les rétrocessions les plus élevées, les conseillers britanniques prennent désormais en considération une gamme de produits plus large, dont les trackers, dont les promoteurs n’ont jamais joué le jeu des commissions.
Des dispositifs similaires à la RDR ont déjà été mis en place au Pays-Bas ainsi qu’en Suisse, ayant également pour conséquence une augmentation des ventes de produits indiciels. Au niveau européen, avec MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive), les discussions semblent aller dans le même sens.
Quelles différences y a-t-il entre un ETF et un fonds indiciel ?
Le principal avantage des fonds indiciels par rapport aux ETF est leur simplicité. Leur structure et mode de gestion sont faciles à comprendre. En revanche, ils peuvent être plus onéreux. La disparité des frais de gestion dans le monde des fonds indiciels est d’ailleurs étonnante. Pour un même indice répliqué, les frais peuvent aller du simple au décuple ! S’ajoutent à cela parfois des frais d’entrée et de sortie.
Le marché des ETF est beaucoup plus compétitif. Les ETF à moins de 0,15 % de frais de gestion (TER) sont légion, auxquels il faut ajouter les frais de trading. Autres avantages clés des ETF par rapport aux fonds indiciels : leur flexibilité --puisqu’ils cotent en Bourse en continu-- et l’étendue de l’offre. Avec près de 2 300 ETF rien qu’en Europe, vous avez accès aujourd’hui à quasiment toutes les classes d’actifs, zones géographiques et secteurs imaginables. En matière de qualité de réplication, les ETF offrent aussi souvent de meilleurs résultats. L’analyse doit toutefois être faite au cas-par-cas.
Les ETF, cependant, nécessitent une compréhension plus approfondie de leur fonctionnement, de par le fait qu’ils cotent en Bourse. De plus, certains ETF emploient des méthodes de réplication synthétiques dont il faut comprendre les risques (même s’ils sont généralement très bien gérés).
Propos recueillis par Anne Bechet