Pour les investisseurs qui souhaiteraient comprendre ce qu’est Berkshire Hathaway, la lettre de Warren Buffett à ses actionnaires est une lecture incontournable et une très bonne introduction. Elle permet aussi de comprendre en quoi cette société est unique en son genre.
Investir en actions
La partie la plus intéressante pour des investisseurs commence en page 18 du document.
Dans ce prologue préliminaire, Buffett nous rappelle en quoi l’investissement en actions est en fait moins risqué que bien d’autres placements dont la valeur est liée aux seules fluctuations d’une devise.
« Il est de loin plus sûr d’investir dans une collection d’entreprises américaines que d’investir dans des titres - bons du Trésor, par exemple - dont la valeur est liée à la devise américaine », écrit-il (les passages en italique sont ceux de Buffett).
« Les prix des actions seront toujours plus volatils que leur équivalents en cash. Sur le long terme, toutefois, les placements libellés en devises sont plus risqués - bien plus risqués - qu’un portefeuille d’actions bien diversifié qui sont acquises au fil du temps… »
Le risque
Au passage, Buffett rappelle une leçon importante: assimiler volatilité et risque est une erreur. De même, acheter des actions avec un horizon de placement très court (quelques semaines, mois) est une erreur et ne peut que conduire à prendre de mauvaises décision (l’espoir du gain rapide est futile).
« Pour la majorité des investisseurs, cependant, qui peuvent - et devraient - investir avec un horizon de plusieurs décennies, la chute des cours n’a pas d’importance. Leur attention devrait se concentrer sur la réalisation d’un gain de pouvoir d’achat sur la durée d’une vie. Pour eux, un portefeuille diversifié d’actions, acheté au fil du temps, sera bien moins risqué que des titres financiers dénommés en dollars. »
Première grosse erreur
La suite du rapport, à partir de la page 24, raconte l’histoire de Berkshire. Et elle commence plutôt mal, puisque Buffett rappelle que son première investissement, dans ce qui était à l’époque, une entreprise de textile dans un secteur en déclin, a été une erreur magistrale (alors qu’il aurait pu en sortir avec un profit dans les années 60.
La deuxième erreur a été son investissement dans une affaire, rentable, d’assurance, basée à Omaha (National Indemnity Company ou NICO), mais au lieu de l’avoir fait via sa société d’investissement (BPL), il décida de l’acquérir avec Berkshire, qu’il ne contrôlait pas intégralement.
« J’avais décidé de marier 100% d’un excellent business (NICO) à une affaire mal en point, contrôlée à 61% (Berkshire Hathaway), une décision qui a au final dérouté 100 milliards de dollars des associés de BPL vers des étrangers. »
Charlie Munger
La deuxième étape de la vie de Berkshire Hathaway débute avec sa rencontre avec Charlie Munger, de 7 ans son ainé. Cette rencontre, affirme Buffett, lui a permis de délaisser la méthode d’investissement apprise avec Benjamin Graham - l’acquisition d’affaires médiocres à des prix massacrés (les fameux « cigar butts ») - pour privilégier une autre approche: « acheter des entreprises formidables à un prix raisonnable », plutôt que d’acheter des « entreprises raisonnables à un prix formidable ».
En 1972, Berkshire Hathaway s’engage dans cette nouvelle voie et commence par acquérir le confiseur californien See’s Candy (toujours en activité), ouvrant la voie à la constitution d’un véritable empire, valorisé plus de 200 milliards de dollars en Bourse.
Berkshire aujourd’hui
L’entreprise est aujourd’hui un conglomérat diversifié, un « concept » que la Bourse n’apprécie guère - un marché efficient est sensé être le meilleur allocataire du capital que le dirigeant d’une société.
Buffett estime néanmoins que le modèle de Berkshire est relativement efficient, même s’il n’est pas exempt d’erreurs.
« Chez Berkshire, nous pouvons déplacer d’importantes sommes d’activités qui présentent peu d’opportunités d’investissement vers d’autres métiers plus prometteurs » explique-t-il.
« L’autre avantage est que nous pouvons prendre des participations dans des entreprises formidables - des actions cotées. Ce n’est pas le type d’activité que peuvent conduire la plupart des dirigeants d’entreprises » ajoute le dirigeant de Berkshire Hathaway.
Ainsi, l’investissement dans See’s Candy, qui ne nécessitait que peu de réinvestissement, a produit un cash excédentaire que le groupe a réutilisé pour saisir d’autres opportunités.
Un autre avantage s’est dessiné au fil des ans, conclut Buffett: les dirigeants et propriétaires d’entreprises viennent aujourd’hui solliciter Buffett et son associé pour rejoindre le conglomérat… Une qualité dont peu de dirigeants peuvent se targuer.
Berkshire dans 50 ans
L’avenir du conglomérat reposera avant tout sur les qualités intrinsèques de l’entreprise, que Buffett liste à partir de la page 34.
« Je pense que les chances d’une perte de capital permanente pour les actionnaires de Berkshire est aussi faible que celle que l’on trouve dans des entreprises individuelles. C’est parce que la valeur intrinsèque par action est quasiment certaine de croître avec le temps », écrit-il.
La condition pour en profiter, avertit Buffett, est bien sûr d’acquérir des titres Berkshire à un prix raisonnable.
« Je pense que la chance que Berkshire rencontre des difficultés financières est proche de zéro », affirme le dirigeant.
La diversité des métiers du conglomérat et la trésorerie massive générée constituent une assurance pour ses actionnaires.
Succession
La grande question qui revient année après année est celle de la succession de Buffett et Munger. Une fois encore, Buffett assure que ses successeurs, à la direction de Berkshire Hathaway tout comme à la gestion du portefeuille d’investissements - aux mains de Todd Combs et Ted Weschler - assureront correctement l’avenir du groupe.
A cette question, Charlie Munger a visiblement apporté des éléments de réponse - en tout cas des éléments qui provoquent leur dose de spéculation.
Dans sa contribution de Vice-Président de Berkshire Hathaway à la lettre aux actionnaires (page 39 à 42), il cite les noms d’Ajit Jain et Greg Abel dont les qualités de dirigeants sont exceptionnelles, et qui seraient de bons candidats pour succéder à Buffett du jour au lendemain.