Cet article fait partie de la série "Perspectives", qui regroupe des contributions externes à Morningstar. Le texte qui suit a été rédigé par Véronique Riches-Flores, Présidente de RF Research, un cabinet d'analyse et de conseil indépendant. Les graphiques n'ont pas été reproduits.
La Fed reprend sa liberté d’action en éliminant de son communiqué le terme « patient » mais ne change pas les raisons qui pourraient la conduire à remonter le niveau de ses taux d’intérêt : la confirmation de l’amélioration des conditions du marché de l’emploi et des anticipations raisonnables d’une remontée de l’inflation vers l’objectif de 2%.
Elle a déjà à sa disposition le premier de ces deux piliers depuis le milieu de l’année dernière, manque cependant le second : la remontée des anticipations d’inflation. Il faudra selon toute vraisemblance un certain temps avant que ces dernières soient à la hauteur.
L’inflation américaine est négative aujourd’hui et devrait le rester une large partie de l’année, sinon davantage, à en juger par les effets combinés de la baisse des cours du pétrole et l’envolée du dollar. Ainsi, à supposer que les prix à la consommation évoluent d’ici la fin de l’année au même rythme que celui enregistré en moyenne l’an dernier jusqu’au mois d’octobre –avant les perturbations liées à la baisse du prix du pétrole-, l’inflation américaine ne repasserait en territoire positive que les deux derniers mois de l’année.
Or, tout porte à croire que ce schéma est probablement trop optimiste, ne prenant en considération :
- ni les effets de second tour du contre choc pétrolier;
- ni ceux de la rechute récente des cours;
- ni ceux de la hausse du dollar.
Le temps où l’inflation américaine se redressera n’est donc, à l’évidence, pas à portée de mains et dans tous les cas certainement plus lointain que celui des deux premiers comités au cours desquels la Fed pourrait agir, juin et septembre.
Une bonne nouvelle, tout relative
Bonne nouvelle car une remontée des taux d’intérêt dans les conditions actuelles d’envolée du dollar et de fragilité conjoncturelle de plus en plus prononcée serait, assurément, risquée.
Bonne nouvelle encore car les conditions monétaires appréciées par le niveau des taux d’intérêt réels à long terme sont déjà suffisamment restrictives : ces dernières évoluent ces derniers temps à un niveau de 2,4 %, rigoureusement identique à la croissance du PIB réel en glissement annuel à la fin de l’année dernière et également identique à leur moyenne de long terme. Un relèvement des taux directeurs, par ses effets, mêmes modestes, sur la partie longue de la courbe des taux serait donc synonyme de resserrement des conditions de crédit, non de normalisation.
Moins bonne nouvelle car révélatrice d’une situation de déséquilibres et de fragilité persistants qui risquent de s’accentuer de plus en plus au fur et à mesure de l’avancée du cycle. Il est probable en effet que la Fed n’ait en réalité aucune possibilité de relever le niveau de ses taux directeurs avant la fin de celui-ci ou que tout mouvement précipite cette dernière ; de quoi assurément poser question sur les perspectives globales à terme.
Les marchés, quels qu’ils soient, apprécient !
Chacun semble avoir trouvé midi à sa porte avec le communiqué de ce mois-ci :
- Les marchés actions saluent l’évacuation d’une menace de hausse des taux;
- Les marchés obligataires se redressent, les taux longs perdant de 1à à 13 points de base sur les échéances de 2 à 30 ans;
- L’euro et le yen se ressaisissent ce qui au vu de la tournure récente des marchés des changes internationaux, ne peut être qu’une bonne chose.