Le « QE » tant attendu de la Banque centrale européenne a démarré début mars. Les rendements des dettes souveraines à travers l’Europe ont reculé de façon soutenue depuis le début de 2015, ce que l’on peut attribuer à une demande spéculative dans l’anticipation de l’opportunité de retourner du papier à la BCE avec un profit.
Dans de nombreux marchés développés, les obligations à duration courte offrent un rendement négatif. Le Bund à 5 ans a été récemment vendu à un rendement de -0,08%. Si cette maturité se traitait déjà sur le marché secondaire avec un taux négatif, c’est la première fois qu’une émission primaire sur cette maturité se faisait à un taux négatif.
Cela signifie que les investisseurs s’exposent à des pertes garanties s’ils conservent leurs titres jusqu’à la maturité, un choix qui ne fait sens que s’ils anticipent l’entrée dans une déflation qui décimerait les rendements de toutes les classes d’actifs.
Dans le cas contraire, la seule façon de gagner de l’argent sur ces titres pour les investisseurs consiste à les vendre à d’autres investisseurs à un prix qui intègre une perte encore plus grande. En l’espèce, les spéculateurs espèrent vendre leur papier à la BCE, qui a indiqué son intention d’acheter de la dette même si le rendement était négatif (avec une limite).
Au moment où la BCE débutait son programme, les rendements souverains de la zone euro étaient à leur plus bas historique. Le rendement du 10 ans allemand est tombé à 0,20%, le 10 ans français a chuté à 0,48%, et les rendements des obligations italiennes et espagnoles ont chuté à 1,13% et 1,14% respectivement sur la même maturité.
Les investisseurs qui cherchaient à réduire leur exposition aux actifs en euro, du fait de la baisse de la monnaie unique, avaient comme alternative la dette suisse, dont le rendement à 10 ans était de -0,09%. Actuellement, il y a 1,5 billion d’euros (1.500 milliards) qui se traitent avec un rendement négatif.
Considérant des taux souverains aussi bas, nous pensons que les obligations d’entreprises devraient raisonnablement bien performer sur une base relative. L’argent obtenu par la vente de souverains et d’ABS à la BCE devra se réinvestir quelque part et les obligations privées semblent une destination qui fait sens.
La différence de rendement entre le Morningstar Corporate Bond Index et le Morningstar Eurobond Corporate Index a doublé en un an. Le rendement moyen des obligations privées américaines est de 3,01% contre 0,79% pour la contrepartie européenne. Même en ajustant de la duration plus longue du papier américain, les investisseurs obtiennent outre-Atlantique un rendement sensiblement plus attrayant.
Outre un rendement plus élevé, l’achat d’actifs libellés en dollars profite de l’appréciation du billet vert qui a pris 14% par rapport à l’euro depuis le début de l’année. La demande pour des obligations privées de qualité est venue d’investisseurs asiatiques alors que la Banque du Japon continuait d’affaiblir le yen à travers son propre programme d’achats d’actifs.
Parmi les investisseurs qui peuvent acheter de la dette libellée en différentes devises, un rendement plus élevé et une devise qui s’apprécie ont été les principaux moteurs d’une demande croissante pour les obligations privées américaines.
La croissance économique en soutien du crédit
Entre le début de l’année et le 16 mars, la performance totale du Morningstar Corporate Bond Index est de 1,22%, tandis que le rendement du Bank of America Merrill Lynch High Yield Master II Index est de 1,93%. Depuis la fin de l’année dernière, les spreads sur les obligations d’entreprise « Investment Grade » se sont resserrés de 5 points de base à +135, tandis que le spread sur le haut rendement s’est resserré de 32 points de base à +472.
Nous continuons de penser que le haut rendement surperformera la dette « investment grade » le restant de l’année. Avec une croissance économique autour de 2%-2,5%, nous pensons que l’environnement économique offrira un soutien au risque de crédit et que le taux de défaut restera sous pression jusqu’à la fin de l’année.
Nous n’anticipons pas de rebond des taux longs à court terme et pensons que les taux remonteront dès que la Fed commencera à normaliser sa politique monétaire et que les rendements approcheront leur norme historique par rapport à l’inflation, aux anticipations d’inflation et à la forme de la courbe des taux. Avec une duration plus courte, les obligations haut rendement sont moins corrélées aux mouvements de taux d’intérêt.
Les taux longs ont peu de chances de remonter vite
Les taux longs ont reculé en janvier et début février sur des craintes liées à l’économie mondiale qui ont provoqué un mouvement de fuite vers les valeurs refuge. Cependant, au cours du mois écoulé, les taux d’intérêt ont commencé à remonter, les investisseurs anticipant une plus grande probabilité d’une remontée des taux directeurs de la Fed.
Nous pensons que les taux directeurs ne remonteront que lentement vers leur norme historique, étant donné le niveau de l’inflation, des anticipations d’inflation et de la forme de la courbe des taux.
Toutefois, des facteurs exogènes, dont les actions des autres banques centrales, pourraient limiter l’ampleur de la hausse des taux en 2015.
Le marché du travail se redresse, la croissance des emplois créés ayant atteint 295.000 en février. Le taux de chômage atteint 5,5%, se situant dans la borne haute de la fourchette de ses prévisions de long terme. Hors impact des prix de l’énergie, l’inflation se situe toujours dans une fourchette de 1% à 1,6%.
Dans ces conditions, nous pensons qu’il est compliqué pour la Fed de maintenir ses taux proches de zéro. L’objectif initial de cette politique était une mesure d’urgence pour éviter l’effondrement du système financier et cette politique a été maintenue en place. La baisse du chômage et une croissance raisonnable devraient encourager la Fed à débuter une remontée des taux vers le milieu de 2015.
Une fois que la décision de la Fed sera prise, nous pensons qu’une normalisation des taux pourrait les conduire vers 3%-3,5%. D’autres facteurs jouent toutefois. Le rendement actuel des bons du Trésor est attrayant pour de nombreux investisseurs internationaux. Les perspectives de croissance de l’économie européenne sont moribondes, tandis que les taux souverains sont à des plus bas historiques, et resteront sous pression tant que la BCE conduira son programme d’achats d’actifs.
A l’opposé, les obligations américaines offrent la perspective d’une remontée des taux tout en offrant un statut de valeur refuge contre une future dépréciation des devises, pilotée par la multiplication des mesures accommodantes par les banques centrales du monde entier.