Depuis plusieurs années, le Japon est devenu un cas d’école pour de nombreux observateurs. Eclatement de la bulle boursière de 1989 et déflation, vieillissement démographique, récessions à répétition, plusieurs « décennies perdues ». Mais, depuis 2012, le lancement de l’ « Abenomics », du nom du premier ministre japonais Shinzo Abe, la mise en place du « quantitative easing » dans des proportions jamais vues (y compris aux Etats-Unis) et d’un ensemble de réformes structurelles, les investisseurs reprennent un peu espoir, même si les défis (endettement public, démographie) restent considérables.
Les équipes de recherche de Société Générale ont rassemblé un document intéressant sur les leçons que peuvent retirer les investisseurs de l’expérience japonaise.
« Les craintes d’une japanisation de la Bourse européenne sont exagérées », estiment les experts de SocGen. Le niveau d’endettement du secteur privé est inférieur à ce qu’il étiat au Japon il y a 20 ans. L’Europe a fait d’énormes progrès dans la réforme de son système bancaire et les conditions de financement du secteur privé sont favorables. Enfin, la rentabilité des entreprises européennes s’est plutôt bien tenue et surtout la croissance des profits, mitigées jusqu’ici, pourrait s’accélérer avec la baisse de l’euro et des matières premières, ce qui justifierait une poursuite de la revalorisation des actions européennes.
Dans l’univers du crédit, l’environnement de faibles inflation et investissement est plutôt positif. Le taux de défaut est bas, comme au Japon. Les spreads de crédit pourraient se comprimer plus fortement que cela n’a été le cas dans l’Archipel.
Le principal défi pour les investisseurs est d’être sélectifs, car le « QE » de la BCE les pousse vers des qualités de crédit moins bonnes au regard de rendements obligataires sous pression.
Sur les marchés de devises, la mise en place du « QE » japonais s’est traduite par un effondrement de la devise. En zone euro, la situation est similaire. Depuis l’annonce des premières mesures de soutien de la BCE, la monnaie unique a commencé à reculer sensiblement face au dollar et aux autres devises, obligeant de nombreuses banques centrales à abaisser leurs taux directeurs.
Pour SocGen, le mouvement de « désynchronisation » des politiques monétaires entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon et l’Europe n’est pas terminé. « Nous pensons que la divergence économique va continuer à alimenter la divergence de politique monétaire de façon persistante pendant de nombreuses années », écrivent les stratégistes de la banque.
Sur les marchés de taux, la récente envolée du Bund, qui a repris de plus belle ces jours-ci, est surtout liée à des facteurs techniques, selon SocGen (niveau extrême des taux, positions surexploitées par les intervenants de marché, regain de volatilité), et à des éléments plus fondamentaux (raffermissement de la croissance économique en zone euro).
Pourtant, l’inflation « n’est pas encore une menace pour la zone euro » et les achats d’actifs par la BCE n’en sont qu’à leur début.
La situation du Japon est de ce point de vue différente. D’une part, le marché de l’emploi est plus tendu au pays du Soleil levant et l’inflation salariale commence à poindre. Un succès dans l’objectif de l’Abenomics de relancer l’inflation au Japon serait de nature à alimenter un rebond durable des rendements obligataires, malgré l’action de la Banque du Japon.
Le principal défi pour les marchés obligataires dans le monde est le recul de la liquidité, selon SocGen. « Depuis 2008, les conditions de liquidité se sont détériorées de façon marquée sur les marchés de la dette souveraine », observe la banque. Les achats d’actifs des banques centrales ont amplifié le problème d’un assèchement de la liquidité, ce qui pourrait alimenter des regains de volatilité sur les marchés financiers.