Il y a-t-il une bulle à Wall Street ou pas ? La question revient de manière épisodique, après plus de six ans d'une hausse quasi ininterrompue qui a conduit les indices américains à des records historiques.
La semaine dernière, Goldman Sachs a publié un document pour tenter de faire le point en interrogeant deux économistes célèbres, un gérant, ainsi que ses propres stratégistes. Parmi eux figurent Robert Shiller, professeur à l’université de Yale, célèbre notamment pour son ratio « CAPE » (P/E ajusté du cycle des résultats), Jeremy Siegel, professeur de finance à l’université de Wharton, ainsi que Cliff Asness, directeur des investissements du fonds AQR Capital Management.
De l’avis de ces observateurs avisés, il ressort que les actions américaines ne sont pas en situation de bulle, mais qu’elles affichent des ratios de valorisation riches, en lien avec la croissance des résultats des entreprises mais aussi avec le mouvement de baisse des taux.
« Je ne suis pas sûr que la situation actuelle est une bulle au sens classique du terme car je ne suis pas certain que la plupart des gens ont des anticipations extravagantes », explique Shiller. Ce dernier pense plutôt que le plus gros risque en termes de surévaluation vient des obligations et de l’immobilier.
Pour Cliff Asness, il est difficile de parler de bulle. Ce dernier préfère évoque une surévaluation des actions. « Les investisseurs gagneront beaucoup moins que par le passé grâce aux actions, mais ils bénéficieront d’un écart positif par rapport aux obligations et à l’inflation », explique-t-il.
« Si le CAPE entrait dans la zone des 30 – environ 30% au-dessus des niveaux actuels du marché – je commencerais à m’inquiéter beaucoup plus de la valorisation » des actions, ajoute le gérant.
Ce dernier s’inquiète davantage de la surévaluation des obligations, tout en affirmant préférer les « obligations américaines aux non-américaines et les actions non-américaines aux obligations américaines, en particulier sur un horizon de temps long. »
Jeremy Siegel, réputé pour son approche « buy and hold » et son optimisme à l’égard des actions sur longue période, défend la thèse d’une valorisation raisonnable des actions américaines.
La Bourse américaine affiche un P/E de 17-18x les résultats, au-dessus de sa moyenne de 16,5x au cours des soixante dernières années. Mais ce niveau est justifié selon Siegel, « au regard du faible niveau des taux d’intérêt. »
Pour cet économiste, le rendement à attendre des actions est l’inverse du P/E ou « rendement bénéficiaire » (« earnings yield » en anglais). « Un P/E de 18 suggère un rendement bénéficiaire de 5,5% ; à 20x, le rendement à attendre des actions est de 5%. Si les actions se paient plus cher, cela signifie que le rendement à en attendre sera inférieur à sa moyenne historique, que j’estime être de 6,5% par an après inflation », affirme-t-il.
L’économiste considère que le niveau de rentabilité des entreprises américaines restera durablement élevé et estime la juste valeur du Dow Jones Industrial Average à 20.000 points (contre 18.076 points actuellement).
S’il n’écarte pas le risque d’une correction boursière suite à une remontée des taux, mais considère qu’elle présenterait une opportunité d’achat.
Cet optimisme tranche avec celui des stratégistes de Goldman Sachs, qui se disent inquiets du niveau de valorisation des actions au regard des différents cycles de resserrement monétaire de la Fed. Cela « est susceptible de générer des rendements plus faibles que par le passé » et expose les investisseurs à des phases de baisse plus marquée compte tenu de la cherté des actions et de la volatilité à attendre sur les taux.