Wolfgang Fickus, membre du comité d'investissement de Comgest, revient sur la récente correction boursière en Chine. Les réponses ont été relues et amendées par Comgest.
Quelle lecture faites-vous de l’émergence de la bulle et de son éclatement ?
La correction n’est pas liée à des éléments macro-économiques. Le ralentissement de la croissance économique chinoise est connu de longue date. L’envolée récente du marché est liée à la mise en place de la plate-forme « China Connect » et la possibilité pour les particuliers d’acheter des actions à travers des opérations sur marge, bref par la réforme des marchés financiers.
La très forte hausse a éclaté lorsque les autorités ont commencé à imposer des limites à la spéculation, ce qui a entraîné un retournement de tendance assez brutal. La baisse des cours a été renforcée aussi par des ventes forcées.
Les mesures prises par le gouvernement s’inscrivent dans un vaste programme de réformes (ouverture des marchés financiers, réformes des grandes entreprises d’Etat, du « Hukou »). L’agenda du gouvernement chinois est d’améliorer la qualité de la croissance chinoise. ll faut garder à l'esprit que le marché chinois a baissé au cours des 5-6 dernières années et était devenu très bon marché, ce qui nous a offert des opportunités d’investissement avant que la hausse récente ne commence.
Avez-vous ajusté vos portefeuilles et comment ?
Il n’y pas eu de changements significatifs dans le portefeuille. De même, les sociétés que nous avons en portefeuille n’ont pas lancé d’avertissement ou fait part de signes d’inquiétude à ce stade.
Considérez-vous que la valorisation actuelle des actions chinoises peut offrir des opportunités sur certains dossiers ?
Il y a un an, les actions chinoises se traitaient à environ 10 fois le résultat des douze mois écoulés. Aujourd’hui, le MSCI China affiche un P/E à 12 mois de 12,5 fois pour une croissance attendue des résultats d’environ 10%. Ce ne sont pas les fondamentaux d’une bulle.
Notre approche est de rechercher les valeurs de croissance de long terme à un prix raisonnable, c’est-à-dire des sociétés qui disposent de réelles franchises. Une croissance annuelle du BPA de 10% ou plus doit être visible sur un horizon d’au moins 5 ans. Cela se paie un peu plus cher que le reste du marché.
A ce stade il existe encore des opportunités, surtout suite à la correction récente. Seul le potentiel de hausse est moins élevé aujourd’hui qu’il y a douze mois car le marché est en hausse de plus que 70% en hausse sur un an.
Au sein de votre fonds, le titre Kweichow Moutai fait preuve d’une belle résistance. Pourquoi d’après vous ?
Nous avons pris une participation dans cette société qui est le premier fabricant de spiritueux en Chine après une période difficile, marquée notamment par la politique anti-corruption du gouvernement. C’est un dossier que nous avions commencé à regarder il y a deux ans.
A court terme, nous avions fait un pari sur la poursuite ou la fin de la lutte anti-corruption, mais notre analyse était que le pire était passé. Sur le long terme nous avons acheté le titre à environ 12 fois ses résultats, pour une société qui a dégagé l’an dernier une marge opérationnelle de 70%.
C’est une société qui peut croître ses profits à un rythme de 11-12% par an au cours des cinq prochaines années. La valorisation est encore raisonnable, la croissance et la profitabilité sont donc à des niveaux corrects.
Ce dossier est assez illustratif de l’attitude des investisseurs qui ne voulaient pas de Chine il y a un an, conduisant à « deratings » parfois excessifs.