Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Wolfgang Fickus, membre du comité d'investissement de Comgest. Il a été édité par Morningstar.
La situation macroéconomique s’est dégradée au cours des dernières semaines et des derniers mois, et les marchés émergents ont lourdement souffert de ces difficultés. La dévaluation de la monnaie chinoise a porté le coup de grâce aux devises de ces pays. Alors que le MSCI EM affiche une baisse de moins de 10 % en devises locales sur les 12 derniers mois, il plonge de manière beaucoup plus brutale lorsqu’il est mesuré en dollars.
Les composantes de base de la croissance sont sous pression. La consommation des ménages est en baisse en raison de la montée du chômage, notamment dans la région EMEA (Europe, Moyen- Orient, Afrique) et en Amérique latine. Une réduction du levier financier est probable après dix ans d’augmentation des ratios d’endettement. Les dépenses publiques restent en berne, beaucoup de gouvernements étant à leur plafond de dépenses ou proches de celui-ci, notamment dans la région EMEA et en Amérique latine, tandis que d’autres, comme la Chine, ont choisi de ne pas intervenir avec des fonds publics dans un souci de réforme de leurs économies.
Les dépenses d’investissement pourraient se réduire alors que le cycle des matières premières reste orienté à la baisse et que les entreprises commencent à prêter plus d’attention à la productivité et à la rentabilité. L’Inde fait figure d’exception, car le mauvais état de ses infrastructures exige des investissements et son gouvernement mène des réformes axées sur l’offre.
Après une période de pessimisme exagéré des investisseurs à l’égard des marchés émergents, se traduisant par des flux de capitaux constamment négatifs et une sous-performance prolongée par rapport aux marchés développés, les attentes boursières sont très faibles.
La capitalisation des marchés émergents est à son point le plus bas depuis 10 ans en termes de valorisation relative par rapport aux marchés développés, ce qui constitue un point favorable pour cet univers d’investissement.
Pour cette raison, les marchés émergents pourraient donc paradoxalement s’avérer défensifs, à moins que nous n’entrions dans une phase de capitulation finale des marchés.
En Chine, les fluctuations massives du marché boursier ont été provoquées par la réforme des marchés financiers, qui est positive mais a généré une importante volatilité. Si le marché des actions de type A, largement dominé par les investisseurs privés, affiche des poches de surévaluation, il est difficile d’affirmer que le Shanghai Composite est surévalué avec un ratio de capitalisation des résultats de 14 sur les 12 derniers mois et un ratio cours sur bénéfice prospectif à 12 mois de 11.
Nous profitons du développement hétérogène de l’économie chinoise. Nous ne sommes pas positionnés sur la « vieille » Chine, qui se caractérise par des industries fortement capitalistiques souffrant de surcapacité.
Notre sélection de titres est au contraire axée sur la « nouvelle » Chine, dans laquelle la hausse du revenu disponible permet une forte croissance des sociétés de biens et services de consommation. Netease sur le marché du jeu en ligne ou Kweichow Moutai sur le marché des spiritueux chinois en constituent deux exemples.
Notre recherche d’entreprises bénéficiant de barrières à l’entrée élevées et d’un pouvoir avéré de fixation des prix nous écarte naturellement des secteurs fortement cycliques. Nous ne sommes pas investis par exemple dans les sociétés de matériaux ou les banques, ce qui nous place selon nous relativement à l’abri de l’environnement macro-économique délicat évoqué plus haut.
Nous avons dû réviser à la baisse nos prévisions de bénéfices par action pour 2015 pour les lignes de nos portefeuilles, mais cette révision reste relativement modérée grâce à l’accent mis sur la qualité de la croissance.
Notre prévision de croissance des BPA pour l’exercice 2015 s’élève à 8,2 % pour les lignes du portefeuille Comgest Growth Emerging Markets contre 10,7 % en début d’année. À 11,5 % actuellement, le taux de croissance des BPA de l’indice est du même ordre, mais s’inscrit en baisse par rapport à son niveau de 14 % il y a deux mois.
Le portefeuille se traite 16,2 fois les résultats des 12 prochains mois contre 11,3 pour le MSCI Emerging Markets. Nous estimons que cette prime de qualité est le prix à payer pour une plus grande visibilité, notamment en période d’incertitude, et la rentabilité des fonds propres du fonds (à 15,3 %) supérieure à celle de l’indice (11,6 %).
Grâce à une croissance de qualité et à une approche d’investissement très active, nous envisageons l’avenir avec optimisme. Mais pour cet univers, après une période de déni (2010-2012) et une période de crainte (2012-2015), les turbulences du mois d’août pourraient marquer le début de la phase de capitulation. Nous pensons que cela n’est pas forcément le plus mauvais moment pour une entrée prudente des investisseurs à long terme.