L’industrie de la gestion d’actifs n’est jamais à court d’idées. Introduits après la crise financière de 2008, l’une de ces innovations connaît un succès grandissant ces dernières années, notamment en Europe. Il s’agit des fonds alternatifs liquides ou « liquid alternatives » qui cherchent à produire un rendement en utilisant des méthodes complexes ou « alternatives » et sont vendues comme un moyen de diversifier le risque d’un portefeuille.
Contrairement aux « hedge funds » qui peuvent pour certaines stratégies s’exposer à des actifs peu liquides, ces fonds utilisent des techniques similaires, mais doivent également obéir à certaines contraintes réglementaires (liquidité, diversification, levier). Aux Etats-Unis, où ils sont connus sous le nom « 40 Act », ils ont acquis une popularité fulgurante.
En Europe, l’encours total des fonds alternatifs distribués est passé de 99 milliards d’euros à 314 milliards d’euros en l’espace de 4 ans. Sur les huit premiers mois de l’année, la classe d’actifs a collecté environ 61 milliards d’euros, soit davantage que sur l’ensemble de l’année 2014 (46,7 milliards).
La logique de ces produits répond à l’évolution de la demande des investisseurs, qui depuis la crise financière, recherchent davantage une source de diversification du risque et de protection contre la baisse des marchés qu’une source de performance pure ou « d’alpha ».
Pour David Saunders, fondateur et dirigeant de la société K2 Advisors, filiale de Franklin Templeton, l’évolution des « liquid alternatives » est l’une des illustrations des changements profonds que connaît l’industrie de la gestion d’actifs.
Cette société, basée à Stamford dans le Connecticut, gère aujourd’hui 10,5 milliards de dollars et a lancé son premier produit sur le marché français en septembre 2014.
« Il y a une plus grande volonté des gérants alternatifs de trouver un relais de croissance auprès des investisseurs particuliers, donc de diversifier leur base de clientèle, mais également de mieux gérer leurs ressources internes en retenant les talents », explique David Saunders.
Cet intérêt pour ce type de produit s’explique sans doute aussi par la pression continue sur les frais de gestion et le fait qu’un nombre croissant d’investisseurs remettent en question le mode de rémunération des hedge funds (le fameux « 2/20 », soit 2% de frais de gestion et 20% de commission de surperformance) pour adopter des niveaux de rémunération plus « standards ».
Ce responsable estime par ailleurs que lorsque les marchés deviennent plus volatils, en raison notamment de niveaux de valorisation plus tendus, les investisseurs ont intérêt à considérer les stratégies actives plutôt que la gestion passive, mieux adaptée aux marchés directionnels.
Aujourd’hui, 30% des investisseurs institutionnels aux Etats-Unis ont une exposition aux « liquid alts », contre seulement 2% des particuliers. Or pour un nombre croissant de professionnels, cette classe d’actifs devrait représenter entre 7% et 20% de l’allocation d’investisseurs particuliers, afin de disposer d’un matelas de sécurité dans un contexte de regain de la volatilité et de protection contre le risque de baisse des marchés.
Le récent épisode de volatilité sur les marchés semble donner raison au gérant, puisqu’en Europe, les mois de juillet et d’août ont représenté une collecte de plus de 17 milliards d’euros sur les stratégies alternatives. En dehors des fonds d’allocation (et hors ETF), les autres grandes catégories suivies par Morningstar (actions, obligations) ont, elles, subies un mouvement de décollecte, en particulier au cours du mois d’août.