Les marchés émergents ont chuté de 11% depuis le début de l’année et sont l’une des classes d’actifs les moins populaires aux yeux des investisseurs internationaux.
Mais pour Andrew Balls, responsable de la gestion obligataire de PIMCO, une filiale de l’assureur allemand Allianz qui gère 1,47 billion de dollars, cette classe d’actifs pourrait s’avérer une bonne opportunité d’investissement dès que la Fed aura relevé ses taux directeurs.
Plus de risque
« A un horizon de 3, 6, 12 mois, je pense qu’il sera opportun d’augmenter le poids des marchés émergents dans nos fonds », a-t-il déclaré au cours d’un entretien avec Morningstar, dans les bureaux de PIMCO à Londres, jeudi 29 octobre.
« Je pense que, à la même période l’année prochaine, nous aurons plus de risque émergents dans nos portefeuilles. La raison qui nous empêche de le faire dès à présent c’est la volatilité potentielle autour de la Fed », a-t-il ajouté.
Jusqu’ici, le gérant s’est montré plutôt prudent sur les émergents, réduisant l’exposition de ses fonds en raison de risques idiosyncratiques sur certains pays comme la Chine et le Brésil.
Une hausse des taux par la Fed est considérée comme un événement négatif pour les marchés émergents, car des taux plus élevés et le statut de « valeur refuge » des bons du Trésor conduisent les investisseurs à allouer plus de capitaux sur les marchés américains, ce qui soutient la valeur du dollar américain.
Ces mouvements pénalisent les marchés émergents, en augmentant leur coût de financement en dollars et en provoquant des sorties de capitaux et une baisse de leur devise.
Taper tantrum
Un exemple récent est le « taper tantrum » de 2013, lorsque la Fed avait évoqué la prochaine fin de son programme d’achat d’actifs, connu sous le nom de « QE » ou « Quantitative Easing » (assouplissement quantitatif).
Cette annonce avait provoqué un bond des rendements obligataires américains et provoqué une importante volatilité sur les marchés émergents et sur les marchés financiers globalement.
Le « taper tantrum est un risque, a expliqué Balls, mais ce n’est pas notre scénario central. » Il y a deux différences majeurs avec 2013, a-t-il ajouté : il y a déjà eu d’importantes périodes de volatilité sur les marchés financiers au cours des derniers mois, et les marchés émergents ont déjà subi d’importantes sorties de capitaux, alors qu’en 2013, la classe d’actifs était très en vogue auprès des investisseurs.
Inflation
Le véritable risque pour les marchés obligataires, selon Balls, est l’inflation. « Ce sera quelque-chose de très important dans les 12 prochains mois », a-t-il affirmé.
« Nous pensons que les valorisations sont dans l’ensemble ancrées. Nous pensons que la Fed ira vers 2%, et que la structure de la courbe américaine nous semble saine ; la situation est similaire en Europe, ainsi que dans les autres pays du G10. Mais si l’inflation devait être plus forte que prévu, au cours des prochaines années, vous pourriez avoir une hausse des anticipations des taux d’intérêt. Cela constituerait une menace pour les marchés obligataires. Ce n’est pas le plus probable d’après nous, mais c’est un vrai risque. »
Les épisodes de volatilité sur les marchés financiers ont vocation à se répéter. Ils surviendront à cause de l’émergence de risques idiosyncratiques dans certains pays, la disparition soudaine de la liquidité sur certaines classes d’actifs ou des surprises sur la politique monétaire ou sur les perspectives de croissance de l’économie mondiale.
Liquidité
La diminution de la liquidité est soulignée par de nombreux gérants d’actifs, depuis que les banques d’investissement réduisent leur levier et qu’elles ne jouent plus leur rôle de prendre du risque sur leur bilan.
Elles ne sont plus des entrepôts du risque, mais ne font que le transférer vers d’autres investisseurs. Pourtant, le manque de liquidité ne devrait pas être considéré comme un problème, selon Andrew Balls.
« Se plaindre de la liquidité aujourd’hui n’est pas ce que nous faisons. Ma blague à ce sujet est de dire que c’est comme se plaindre du temps qu’il fait à Londres, cela n’aide pas beaucoup, vous devez juste vous adapter à l’environnement. »
Le travail des gérants de PIMCO selon Balls est de tirer parti du manque de liquidité et de saisir les opportunités d’investissement offertes par le regain de volatilité sur les marchés. Par exemple, pendant le mouvement de vente sur les marchés du crédit en août et septembre, « nous avons acheté du crédit. »
Ces épisodes de volatilité vont se répéter parce que les politiques de taux zéro des banques centrales et d’achats d’actifs poussent les investisseurs à prendre plus de risque et à suracheter certaines classes d’actifs.
Revenu
Dans cet environnement, certaines stratégies conduites à PIMCO visent à générer du revenu plutôt que de chercher la seule appréciation du capital.
« Dans les stratégies globales, nous utilisons le positionnement sur la courbe pour générer du revenu. Nous pouvons le faire aux Etats-Unis, en Europe, au Japon. En Europe, nous surpondérons la partie intermédiaire de la courbe des taux, car cela génère du revenu. Au Japon, nous surpondérons la partie 20-30 ans de la courbe, en raison de sa forme », a-t-il expliqué.
Il a ajouté : « Nous avons un carry positif dans le crédit. Nous aimons les banques en Europe, le crédit senior des sociétés financières américaines, le haut rendement américain. Une de mes plus fortes positions en termes de risque de crédit est les obligations souveraines de la périphérie. Je surpondère l’Italie et l’Espagne. Le rendement est deux fois meilleur que si je suis investi en Bunds. »
Cette stratégie peut avoir un coût. Par exemple, certains fonds gérés par Balls et son équipe ont sous-pondéré la partie à 2 ans de la courbe des taux aux Etats-Unis. « Nous nous sommes trompés sur ce point cette année, a-t-il affirmé. Nous pensons que cela fonctionnera au cours des 6 mois à venir. »
Fed
La décision de la Fed de repousser le relèvement de ses taux directeurs au mois de décembre était en ligne avec les attentes du gérant.
Malgré les nombreux chocs sur les marchés financiers – Russie l’an dernier, Grèce, Chine, Brésil cette année – PIMCO s’attend toujours à une croissance au-dessus de la tendance dans les pays développés. « Nous n’avons pas changé nos estimations après la volatilité des marchés d’août et septembre », a indiqué Balls.
PIMCO s’attend à une inflation modeste dans les 12 mois à venir, avec une inflation proche de 2% aux Etats-Unis et entre 1% et 1,5% en Europe. « C’est sur ces hypothèses que nous avons positionné nos fonds. »