L’ISR gagne du terrain mais les préjugés ont encore la vie dure et une adoption plus vaste de cette démarche prendra du temps. L’histoire est parsemée d’exemples qui montrent que l’éthique et la finance ne font pas toujours bon ménage, avec des conséquences désastreuses pour les épargnants ou les finances publiques. L’ISR est néanmoins devenu une réalité qui prend de l’ampleur. Il s’agit, rappelons-le, d'investissements qui visent à financer des activités économique en tenant compte de notions de développement durable et le respect des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (« Environmental, Social and Governance » en anglais).
Une leçon d'histoire
La finance « durable », ou « responsable », est une branche de la finance « éthique ». Cette dernière fait référence à une notion plus générique, qui peut inclure des choix d’investissement basés sur des motifs religieux, idéologiques ou politiques, et qui ne sont pas nécessairement « durables », c’est-à-dire qu’ils ne prennent pas forcément en compte l'intérêt des générations futures.
Depuis le XVIIIe siècle, le protestantisme considérait comme incompatible avec la doctrine chrétienne le fait d'investir son épargne dans des activités économiques qui faisaient usage d'esclaves ou étaient liées à la production et au commerce des armes, du tabac et de l'alcool ou impliqués dans les jeux de hasard. Le Pioneer Fund, premier fonds d'investissement éthique dans le monde, est toutefois arrivé bien plus tard, puisqu’il a été lancé en 1928.
Les fonds « ISR » naissent dans les années 1960, encore une fois de l'autre côté de l'Atlantique, au cours des protestations menées par des organisations d'étudiants universitaires contre l'implication militaire américaine au Vietnam. Ces mouvements ont commencé à critiquer l'investissement fait par les universités (principalement des fondations de nature privée) et les fonds de retraite des employés au sein des entreprises directement ou indirectement impliquées dans le conflit.
Dans les années 80, le phénomène ISR commence à se consolider en Europe aussi, notamment en France et au Royaume-Uni, où, en 1983 dans l’Hexagone et en 1984 au-delà de la Manche, sont lancés les premiers fonds éthiques d’Europe : le Nouvelle Stratégie 50 et le Friends Provident’s Stewardship Trust.
Beaucoup de préjugés
Il est indéniable que la sensibilité à l'égard des questions environnementales, sociales et de gouvernance est maintenant beaucoup plus prononcée que par le passé. Pourtant, l’ISR reste victime de nombreux préjugés qui limitent son développement. Beaucoup voient encore l’ISR comme un moyen de faire une bonne action plutôt que des titres sur lesquels on investit dans une optique de rendement boursier.
Avec le recul et un certain nombre de recherches académiques, ont montré que les choix d'investissement basés sur une analyse extra-financière ne compromettent nullement la possibilité de réaliser des rendements attractifs, ou au moins en ligne avec le marché. En particulier sur le moyen et long terme, la finance durable permettrait même d'investir de façon moins risquée.
L’offre européenne (et française)
D’après la 14ème édition du rapport de Vigeo Les fonds verts, sociaux et éthiques en Europe, réalisée en coopération avec Morningstar, entre 2013 et 2014, le marché des fonds ISR européens dédiés aux particuliers a continué de croître : le montant des actifs de ces fonds s’élève à présent à 127 milliards d’euros (108 l’année passée) avec 957 fonds (922 en 2013).
Les collectes les plus importantes ont été enregistrées en France (7,6 milliards d’euros), au Royaume Uni (3,1 milliards), en Espagne (1,7 milliard), en Suisse (1,2 milliard) et en Suède (1,1 milliard).
La France est un des pays européens les plus développés en termes d’investissements socialement responsables. Selon les données Morningstar, il y a actuellement 450 fonds d’investissement considérés comme socialement responsable disponibles à la vente dans l’Hexagone (sur un total de 8.802 compartiments).