Matières premières : pas de rebond en vue

Les éléments d'incertitude sur la croissance mondiale pèsent encore fortement sur le cours des matières premières.

Jocelyn Jovène 18.12.2015
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L’année 2015 a été une nouvelle fois un bain de sang pour les matières premières, pétrole en tête. Les raisons tiennent aux fondamentaux du marché : excès d’offre, croissance insuffisante de la demande et volatilité des devises.

En 2004, lorsque la Fed a débuté son cycle de resserrement monétaire, l’événement avait coïncidé avec un « super-cycle » haussier qui a culminé en juillet 2008 avant de démarrer ce qui ressemble bien à un « super-cycle » baissier depuis 2011.

L’envolée des cours a en effet permis à de nombreux projets d’exploration de voir le jour et à de nouveaux gisements d’être mis en production, boostant l’offre dans de nombreux marchés, en particulier dans l’univers des métaux.

Aujourd’hui, l’indice global de matières premières S&P GSCI a retrouvé le plus bas niveau atteint après la crise financière de 2008.

Indice des matières premières

Source : Factset, Morningstar.

Derrière cette chute, il y a tout d’abord la Chine, dont la transition vers un modèle de croissance plus autocentré et moins consommateur de matières premières a largement pesé sur les cours de l’énergie, des métaux et des produits agricoles (graphique).

Source : Factset, Morningstar.

Il y aussi l’évolution du dollar qui n’a cessé de s’apprécier depuis 18 mois maintenant et qui a largement contribué au recul du cours de produit comme le pétrole.

Indice de matières premières et évolution du dollar

Source : Factset, Federal Reserve of St Louis, Morningstar.

Certains investisseurs espèrent que la chute du cours des matières premières entraînera un rebond de la croissance, à l’image du contrechoc pétrolier de 1987. En effet, la baisse des cours signifie en théorie un transfert de revenus des pays producteurs de matières premières (principalement dans le monde émergent plus l’Australie, le Canada et les Etats-Unis pour le pétrole) vers les pays consommateurs (pays développés : Europe, Japon et quelques émergents comme l’Inde).

Pourtant, la « manne financière » a surtout contribué au désendettement et/ou la reconstitution de leur épargne financière des agents économiques, profitant peu à la consommation interne et donc à la croissance – même si les derniers éléments sur la consommation en Europe semblent pointer un léger mieux depuis peu.

Du côté des investissements, la chute des cours du pétrole a pesé sur les marges des entreprises du secteur de l’énergie dans le monde, lesquelles ont réduit leurs budgets d’investissement avec une onde de choc dans d’autres secteurs (banques régionales aux Etats-Unis, fabricants de biens d’équipement et fournisseurs de services pétroliers par exemple).

Le débat qui occupe déjà les investisseurs en cette fin d’année est de savoir si la chute des cours va se stabiliser, avec une possible remontée des indices des prix à la consommation dans les pays développés, ou si une nouvelle baisse peut être envisagée, les temps d’ajustement de l’offre à une demande moins dynamique étant particulièrement longs ?

Certains experts, dont Morningstar, tablent sur un rééquilibrage entre l’offre et la demande mondiales de pétrole courant 2017. Mais une grande part de ce rééquilibrage sera sans doute anticipé par le marché bien avant, en particulier si les chiffres de croissance de l’économie mondiale se raffermissent.

Toutefois à ce stade, les incertitudes sur l’économie chinoise, les autres pays émergents, le cycle de l’économie américaine ou le Japon sont trop nombreuses pour donner corps à l’hypothèse d’une remontée, même progressive, des cours des matières premières.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.