Lorsque les médias ou que les investisseurs parlent d’inflation, ils font implicitement référence à l’indice de hausse des prix à la consommation (CPI ou « Consumer Price Index »). De fait, cet indicateur économique, publié par tous les pays, a acquis une importance grandissante au fil des ans.
Cela s’explique en grande partie parce que les banques centrales, qui ont acquis elles aussi un poids et une influence croissante sur les marchés et pour l’économie réelle, ont placé cet indicateur d’inflation au cœur de leur politique.
La BCE vise clairement un objectif de stabilité des prix, qui se mesure par un indicateur d’inflation inférieur à 2%. La Banque du Japon se fixe le même objectif, après plus de 20 ans de déflation dans le pays. La Fed se montre un peu plus originale, en se fixant à la fois un objectif d’inflation et de plein emploi.
Pourtant, certains économistes considèrent que l’indice des prix à la consommation est tout sauf utile. Car la notion d’inflation renvoie à des réalités bien différentes, et donc à des indicateurs spécifiques.
Paniers de biens et services
Certains pensent que l’indice des prix à la consommation permet de mesurer le coût de la vie. Or comme l’expliquent les économistes d’UBS dans une étude datée du 27 octobre 2015, « l’inflation est une statistique ploutocratique, pas démocratique, c’est-à-dire que le panier de biens et services qui sert à mesurer l’inflation correspond au panier de la tranche de population parmi la plus riche d’une société (70ème percentile aux Etats-Unis). D’autres mesures d’inflation sont nécessaires pour mieux apprécier l’évolution du coût de la vie.
Pouvoir de négociation des prix des entreprises
L’indice des prix à la consommation n’explique guère le « pricing power » des entreprises, c’est-à-dire leur capacité à augmenter leurs prix de vente, et donc à améliorer leur rentabilité (pour peu que leurs coûts et le capital investi n’augmentent pas plus vite que leur chiffre d’affaires).
Une meilleure mesure de cet indicateur réside dans les prix au producteur (« PPI »), qui donne une bien meilleure idée de la capacité des entreprises à imposer leur prix à leurs clients, qui sont souvent d’autres entreprises et plus rarement des individus.
Inflation et dette publique
Une théorie en vogue est qu’une accélération de l’inflation est un bon moyen de réduire la dette publique. Cette idée oublie que les marchés financiers sanctionnent les pays dont les ratios d’endettement dérapent, qu’il y ait de l’inflation ou pas.
Le plus important pour mesurer la solvabilité d’un pays, c’est sa capacité à assurer le service de sa dette, donc à bien faire rentrer l’impôt, à contrôler ses dépenses, ce qui signifie investir dans des projets publics rentables pour la collectivité (financer la recherche et développement ou l’éducation par exemple plutôt que le train de vie de l’appareil d’Etat).
De ce point de vue le déflateur du PIB qui donne une indication du potentiel d’augmentation des recettes publiques.
Inflation et dette des ménages
L’inflation n’aide pas non plus à réduire l’endettement des ménages. Acheter une voiture à crédit n’apporte aucun avantage (sauf à considérer que l’argent emprunté soit à taux fixe et que les salaires soient parfaitement indexés sur l’inflation, ce qui n’est plus le cas depuis plus de 30 ans).
Il est ici plus pertinent de considérer l’évolution des revenus des ménages, qui, comme la capacité d’un Etat à payer ses intérêts, sont un indicateur de solvabilité. L’augmentation des prix à la consommation constitue une diminution du pouvoir d’achat, et à service de la dette identique, contraint lesdits ménages à procéder à des arbitrages dans leur budget.
Anticipations d’inflation
Cet indicateur mesure les attentes des agents économiques et des intervenants de marché sur l’évolution de l’inflation dans une ou plusieurs années. Il est extrait soit d’enquête soit de prix de marché.
Les enquêtes sur les indices de prix souffrent de plusieurs biais, notamment le fait que les personnes sondées se rappellent surtout du prix des produits qu’elles achètent le plus fréquemment. A cela s’ajoute d’autres biais psychologiques, comme le fait de se rappeler plus lorsque les prix montent que lorsqu’ils baissent.