La chute des prix du pétrole depuis le début de l’année a soulevé des questions quant à l’un des éléments du scénario « central » de nombreux investisseurs, à savoir une remontée graduelle de l’inflation et des taux directeurs de la Fed.
Depuis le début de l’année, les anticipations d’inflation n’ont en fait cessé de reculer (graphique), les incertitudes sur la croissance chinoise et le risque de dévaluation du yen et les craintes croissantes d’une récession aux Etat-Unis ayant poussé le taux à 10 ans américain à repasser temporairement sous les 2% (il rebondissait ce vendredi à 2,07% dans l’après-midi).
Compte tenu du déséquilibre persistant depuis plus de deux ans entre offre et demande de pétrole, une hausse rapide du cours de l’or noir semble incertaine, ce qui pèsera sur les chiffres d’inflation apparente (« headline »). Mais cela peut-il enrayer le mouvement de hausse des taux de la Fed ?
La dernière enquête auprès des investisseurs montre un peu plus de prudence sur le nombre de hausses de taux attendu cette année (2 au lieu de 3 quand la Fed « guide » implicitement vers 4 hausses de taux).
Dans le même temps, l’amélioration du marché de l’emploi aux Etats-Unis pourrait laisser apparaître une accélération de l’inflation salariale et donc une poursuite de l’augmentation de l’inflation « core », qui semble se dessiner depuis la fin de l’année dernière (graphique).
Pour les économistes de Capital Economics, « dans les économies proches du plein emploi et où les anticipations d’inflation sont positives, dont les Etats-Unis, les décideurs politiques continueront de se focaliser sur l’inflation core. Cette situation sera peu affectée par la baisse du pétrole. »
En Europe et au Japon, la situation est différente, car les anticipations d’inflation sont très basses, tout comme les chiffres d’inflation. Les banques centrales (BCE, BOJ) devraient donc poursuivre leur politique accommodante. Que le pétrole baisse ou pas.
La situation sur les marchés financiers est en revanche également un élément que les banques centrales peuvent difficilement ignorer.
« La faiblesse des prix du pétrole a été vue comme positive pour l’activité des marchés développés mais à court terme son impact a été un recul des dépenses d’investissement et le resserrement des conditions financières aux Etats-Unis, un élément sous-estimé. L’appréciation du dollar a aidé les pays producteurs à supporter la baisse du pétrole. Sur fond de ralentissement de la croissance en Chine et dans le monde émergent, l’impact de la hausse du dollar sur l’économie américaine a été plus important qu’anticipé. La chute des prix du pétrole a pesé sur l’inflation au moment où la Fed remontait son taux directeur », notent les stratégistes d’UBS dans une note datée du 21 janvier.
Le resserrement monétaire de la Fed sur fond de recul des anticipations d’inflation et de durcissement des conditions financières est l’un des facteurs les moins bien appréciés dans la chute des actifs risqués, ajoutent les spécialistes d’UBS.
Ces derniers estiment qu’au regard des principaux facteurs de risque pour les marchés (Chine, pétrole, taux), la Fed a sans doute des marges de manœuvre pour « piloter les attentes des investisseurs sur la normalisation de ses taux sur le moyen terme. »