Cet article se fonde sur les conclusions du récent rapport de Morningstar intitulé Active Share in European Large-Cap Funds. Il a été rédigé par les auteurs de l'étude, Mathieu Caquineau, CFA, Matias Möttölä, CFA et Jeffrey Schumacher, CFA.
Un principe fondamental gouverne la gestion de fonds : les fonds gérés de manière active doivent se différencier de leur indice de référence s'ils veulent surperformer ces derniers après commissions. La part active, qui mesure cette différence, peut aider les investisseurs à évaluer le degré de gestion active au niveau du portefeuille.
Néanmoins, les investisseurs qui recourent à la part active dans le cadre de leur sélection de fonds doivent connaître ses propriétés et ses limites. Voici les facteurs les plus importants que les investisseurs doivent prendre en considération lorsqu'ils utilisent la part active (laquelle a été présentée dans cet article):
- La part active donne des informations sur un seul aspect de la gestion active. Le degré de gestion active au niveau des actions est une chose, mais les paris factoriels peuvent aussi servir à s'écarter de l'indice de référence. Des critères comme R², l'erreur de suivi, le biais de style ou la concentration du portefeuille peuvent être également utilisés pour évaluer la gestion active. C'est pourquoi nous recommandons d'utiliser la part active en association avec d'autres instruments de l'analyse des fonds, afin de pouvoir effectuer une évaluation solide du degré de gestion active.
- La part active ne mesure que la proportion des actifs d'un fonds investis d'une manière différente de l'indice de référence. Elle ne dit rien sur la prudence de ces divergences par rapport à l'indice.
- La part active n'est significative que pour les fonds long-only qui n'investissent pas dans des produits dérivés, d'autres fonds ou des ETF.
- Le niveau de part active est fortement dépendant de l'indice de référence retenu. Les indices de référence peuvent varier par le nombre de leurs composants, leur mécanisme de pondération et la concentration de leurs participations. Une part active élevée peut donc être signe d'une gestion active, mais elle peut également refléter le choix d'un indice de référence inapproprié.
- Si l'indice de référence choisi est adéquat, un niveau élevé de part active peut signaler un biais ou une dérive de style au sein du portefeuille, ce qui peut exposer les investisseurs à des facteurs de risque involontaires ou indésirables. Ainsi, nous avons découvert qu'une augmentation de la part active s'accompagnait d'une augmentation de l'exposition à de plus faibles capitalisations boursières. Il peut donc être utile d'augmenter la part active au moyen d'une analyse de style fondée sur les rendements, qui mesure plus précisément la sensibilité d'une stratégie aux facteurs, laquelle n'est pas nécessairement reflétée par une approche fondée sur les positions.
- La construction de l'indice influe sur le niveau de la part active. En fonction des contraintes de risque, un gérant de portefeuille qui prend pour référence un indice très concentré comme le MSCI Europe/Energy peut très bien devoir inclure des valeurs de premier plan comme Total. La règle OPCVM des 10/40, qui limite la taille des positions d'un gérant à 10 % au maximum (et prévoit que seuls 40 % au maximum des actifs d'un fonds peuvent être investis dans des positions comprises entre 5 et 10 %), peut aussi restreindre la capacité du gérant à formuler une opinion positive à l'égard d'une action ou, à l'inverse, le forcer à sous-pondérer les valeurs de premier plan de l'indice.
- La part active mesure le degré de gestion active d'un portefeuille à un moment précis. Bien que les niveaux de part active restent assez stables dans la durée pour la plupart des fonds, un changement de gérant ou de stratégie peut aboutir à de fortes modifications de la part active. L'état du marché et la situation des entreprises semblent également influencer la détermination des gérants de portefeuille à prendre des paris actifs.
- La part active augmentant, la dispersion des performances relatives annualisées, de l'écart-type, des pertes maximales et de l'erreur de suivi s'accroît aussi. Des portefeuilles présentant un même niveau de part active peuvent afficher des degrés différents de performance relative et de risque. Par conséquent, la part active ne suffit pas à produire de l'alpha, et les investisseurs doivent donc élargir leurs recherches pour trouver des fonds de qualité supérieure.
Comment utiliser intelligemment la part active
Au vu des caractéristiques et limites précitées, comment peut-on utiliser intelligemment la part active dans le cadre de l'analyse de fonds ? Voici quelques conseils.
- Une part active élevée n'est pas une garantie en soi. Trier des fonds sur le seul critère de leur part active peut aboutir à la sélection de produits qui, certes, signent les meilleures surperformances, mais enregistrent aussi les plus fortes sous-performances. Il revient aux gérants de portefeuille de sélectionner, sur la base de leurs compétences, les déviations par rapport à l'indice qui génèrent des surperformances.
- Identifier les différences de style par rapport à l'indice de référence et veiller à ce que le gérant ne prenne aucun pari non souhaité en termes de style ou de taille.
- Eviter les fonds qui associent une faible part active et une faible erreur de suivi (signe d'indexation cachée) tout en pratiquant des frais supérieurs à la moyenne, car ces produits n'ont que très peu de chances de surperformer à long terme après commissions. Les investisseurs qui recherchent une performance proche de l'indice de référence devraient plutôt opter pour un fonds de gestion passive à bas coûts, ou un fonds géré de manière active à prix très modéré.
- Les commissions sont un paramètre important et Morningstar a déjà démontré la relation négative qu'elles entretiennent avec la performance des fonds commun de placement. Les investisseurs devraient se méfier des fonds onéreux. De manière générale, les frais tendent à s'accroître à mesure que la part active augmente. Cependant, cela ne signifie pas que tous les fonds présentant une part active élevée sont chers. Au lieu de regarder le niveau de frais en termes absolus, les investisseurs devraient selon nous s'intéresser aux frais payés par unité de part active.
En conclusion, nous pensons que la part active peut être utile aux investisseurs souhaitant analyser le degré de gestion active d'un fonds. Cependant, son attrait et sa simplicité peuvent aussi constituer la principale faiblesse de la part active.
Pour sélectionner des fonds, il peut être utile d'associer la part active à des mesures du risque, telles que l'erreur de suivi, pour comprendre le style adopté et pouvoir analyser la performance et les qualités d'un produit par rapport à d'autres fonds au style semblable. La recherche Morningstar montre que les risques croissent à mesure que la part active augmente, il faut donc faire un compromis.
La sélection de fonds aux parts actives élevées requiert une très grande prudence. Pour mesurer les ressources d'une société de gestion et comprendre comment les actions sont choisies, les risques sont gérés, etc., il est utile d'adopter une approche qualitative en complément de l'analyse quantitative. Le sujet peut être abordé de multiples façons.
La méthode qualitative de l'équipe de recherche de Morningstar, telle que représentée par les Notations des Analystes Morningstar (Morningstar Analyst Rating™), en est un exemple.