Industrie : la défense profitera d’une victoire de Trump

Les autres secteurs pourraient connaître une situation plus mitigée, selon Keith Schoonmaker de Morningstar.

Keith Schoonmaker 10.11.2016
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La rhétorique protectionniste de Trump et l’incertitude politique ont dans un premier temps pesé sur le dollar, ce qui, avec les discussions sur un programme d’investissement en infrastructures et de baisses d’impôts, pourrait alimenter une remontée plus rapide de l’inflation.

Le bilan pour les fabricants de biens industriels basés aux Etats-Unis est inégal : d’un côté, la baisse du dollar constitue une source d’avantage concurrentiel. Toutefois, la hausse de l’inflation, du coût de la dette et l’érection de barrières douanières pourraient in fine pénaliser la compétitivité de l’économie américaine.

En termes de secteurs d’activité, les acteurs européens et américains de la défense semblent être les principaux bénéficiaires de la victoire de Trump. Nous sommes plus incertains sur l’impact sur d’autres secteurs comme le transport, les compagnies aériennes et les constructeurs aéronautiques.

Le secteur automobile américain pourrait être menacé par la détérioration des relations commerciales avec le Mexique. Les fabricants d’engins lourds, très exposés aux marchés internationaux tout comme les constructeurs automobiles, pourraient profiter d’un dollar plus faible, mais l’augmentation du coût de la dette risquerait de contrebalancer cet effet positif.

Dans le secteur de la construction immobilière, le résultat de l’élection pourrait être un élément positif en soutenant une plus grande confiance du consommateur.

Enfin, le secteur de l’ingénierie et de la construction serait l’un des principaux bénéficiaires du plan d’investissement dans les infrastructures promu par le candidat Trump.

Défense

Le secteur de la défense devrait être le plus affecté par le résultat de l’élection présidentielle. Toutes les sociétés du secteur ont surperformé le 9 novembre. L’augmentation probable des budgets de la défense à court terme, ainsi qu’un mouvement de fuite vers la qualité ont soutenu les cours des principales sociétés du secteur.

Nous anticipions déjà une amélioration de la situation depuis le début de l’année, sur fond d’évolution de l’environnement géopolitique, de l’amélioration du budget fédéral et du cycle des dépenses militaires. Une administration Trump pourrait porter les dépenses liées à la défense dans le haut de notre fourchette d’estimations, soit plus de 650 milliards de dollars d’ici 2019.

Nous aurons des indications plus claires des projets en matière de défense de l’administration Trump lors de la définition du budget 2017. Notre analyse initiale montrait que le candidat semblait privilégier les systèmes de défense à base de missiles, qui favoriserait plutôt des acteurs comme Lockheed ou Raytheon. Trump semble également favorable à une modernisation du programme nucléaire avec les bombardiers B-21 (Northrop Grumman), les sous-marins Columbus (General Dynamics). A l’opposé, il s’est montré critique de programmes comme le F-35.

Groupes industriels diversifiés

L’impact de la victoire de Trump pour les groupes industriels diversifiés est mitigé en première approche, mais pourrait évoluer favorablement au fur et à mesure que le marché digère les propositions du nouveau président pour relancer l’économie à travers des baisses d’impôts et la protection des emplois domestiques, tout en gardant un œil sur l’évolution des relations commerciales avec le reste du monde.

Des sociétés comme General Electric, United Technologies, 3M, Emerson ou Parker Hannifin, qui sont de gros employeurs localement et ont une forte présence domestique devraient bénéficier de la volonté de Trump de relancer les investissements dans le pays, en particulier dans le secteur pétrolier.

Les baisses d’impôts pour les entreprises promises par le candidat profiteraient à des sociétés comme Ametek, 3M et Roper, lesquelles affichent un taux moyen d’imposition supérieur à leurs comparables.

Toutefois, ces grands groupes diversifiés ont aussi une forte présence à l’international, avec plus de 50% de leurs ventes réalisées hors des Etats-Unis. Ces entreprises ont lourdement investi au fil des décennies pour internationaliser leur outil industriel, rechercher des économies d’échelle et bâtir des chaînes de valeur globalisées.

Le durcissement de la politique commerciale des Etats-Unis pourrait logiquement affecter les relations avec ses principaux partenaires, Chine en tête. Il faut toutefois souligner que la transition du modèle économique chinois vers la consommation intérieure s’est accompagné d’une volonté de produire davantage localement. Aujourd’hui, le développement d’une classe moyenne et d’une base industrielle locale conduisent les chinois à acheter d’abord dans leur pays, puis d’aller s’approvisionner en Russie, et en troisième choix aux Etats-Unis.

Transport

Les déclarations passées de Trump contre le NAFTA ou le TPP ont déjà provoqué pas mal de dégât au sein du secteur ferroviaire, les titres de nombreux transporteurs ayant reculé de façon importante – cas de Kansas City Southern ou Union Pacific – mais également des acteurs globaux comme FedEx ou UPS, perçus comme des bénéficiaires des accords TPP.

Nous sommes plus inquiets pour les fondamentaux des spécialistes de la logistique et du « freight forwarding », dont la croissance de l’activité pourrait être pénalisée par un ralentissement plus prononcé du commerce international.

A l’inverse, nous percevons le transport routier comme étant un gagnant marginal, sous réserve d’un desserrement des contraintes réglementaires qui pèsent actuellement sur le secteur.

Automobile

De nombreux titres de constructeurs ont chuté dans la matinée du 9 novembre. Ce mouvement de vente reflète l’incertitude sur la politique que conduira Trump. Si la politique protectionniste du candidat est mise en œuvre, nous pensons que les prix des véhicules augmenteraient avec le temps, y compris pour les trois constructeurs nord-américains de Detroit, car ces derniers importent l’essentiel de leurs composants.

L’accord TPP pourrait favoriser les constructeurs japonais car il leur permet d’approvisionner un peu plus de la moitié de leurs véhicules dans des pays non-TPP, comme la Chine, et les vendre aux Etats-Unis. Si l’accord n’était pas voté, il aurait un impact négatif. Cela dit, certains constructeurs ont investi aux Etats-Unis pour sourcer localement certains véhicules – c’est le cas de Toyota avec le pick-up Tundra, même si cela n’a pas trop entamé les parts de marché des constructeurs domestiques.

Contrairement à l’accord TPP, l’abolition du NAFTA serait une mauvaise nouvelle pour les principaux constructeurs automobiles car tous ont une présence industrielle importante au Mexique, non seulement pour exporter vers les Etats-Unis, mais également vers l’Europe et l’Amérique du Sud. Si la production devait être relocalisée aux Etats-Unis, les coûts de production augmenteraient, pesant sur les profits des entreprises mais également sur le budget des ménages (hausse des prix de vente), avec le risque de pertes de parts de marché pour les constructeurs domestiques.

 

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
3M Co127,90 USD0,05Rating
AMETEK Inc194,81 USD0,77
Boeing Co143,81 USD-1,55Rating
Emerson Electric Co129,57 USD0,36Rating
FedEx Corp292,62 USD1,59Rating
Ford Motor Co10,79 USD0,51Rating
General Dynamics Corp281,44 USD0,50Rating
General Electric Co179,84 USD1,05Rating
General Motors Co55,62 USD1,37Rating
Lockheed Martin Corp542,83 USD1,51Rating
Parker Hannifin Corp705,48 USD2,18Rating
Raytheon Technologies Corp120,70 USD1,30Rating
Roper Technologies Inc551,89 USD0,44Rating
Stellantis NV12,17 EUR-0,31Rating
Stellantis NV12,86 USD0,04Rating
Toyota Motor Corp2 674,50 JPY-0,89Rating
Union Pacific Corp236,74 USD1,36Rating
United Parcel Service Inc Class B132,00 USD-0,07Rating

A propos de l'auteur

Keith Schoonmaker  Keith Schoonmaker is a senior stock analyst at Morningstar.