L’année 2016 a été plutôt favorable au crédit. En Europe, l’indice Bloomberg Barclays Euro Aggregate affiche un gain de 4% depuis le début de l’année (au 14 décembre), et de 5,2% aux Etats-Unis.
Après avoir atteint un pic annuel en février, coïncidant à quelques semaines près avec le point bas du pétrole, les spreads de crédit ont entamé un mouvement de compression alimenté par la remontée du cours des matières premières, la mise en place du programme d’achats d’obligations privées par la BCE à partir de mars et une recherche de rendement par les investisseurs après le « Brexit ».
Plus récemment, les indices de crédit ont pâti de l’accélération de la hausse des taux d’intérêt après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle, mettant un terme à une période d’appréciation quasi-ininterrompue depuis le mois de février.
Valorisation raisonnable
En termes de valorisation, le niveau des spreads en Europe est aujourd’hui proche de sa moyenne historique, ce qui signifie que la classe d’actifs est raisonnablement valorisée (graphique). Toutefois, compte tenu de la remontée de la duration sur les marchés, les investisseurs doivent faire attention à leur exposition au risque de taux.
Source: Morningstar
Il en est de même pour le haut rendement, même si les spreads sont considérés par certains gérants comme suffisamment élevés pour permettre de supporter une remontée des taux d’intérêt (graphique).
Source: Morningstar
Certains stratégistes s’attendent à un léger écartement des spreads l’an prochain. Face aux achats d’obligations privées de la BCE, qui devraient se poursuivre et soutenir la baisse des spreads de crédit, certaines entreprises domestiques et internationales pourraient être tentées d’émettre du papier, ce qui pourrait conduire à un excès d’offre. Certaines estimations tablent sur 450 milliards d’euros d’émissions l’an prochain, pour 215 milliards de titres arrivant à échéance et 85 milliards d’euros d’achats de la BCE.
Levier financier
Cette offre abondante de papier pourrait servir soit à financer des projets industriels (même si l’on voit difficilement l’investissement repartir en Europe à ce stade), soit à financer des opérations financières, comme des rachats d’actions, ou des opérations de fusion-acquisition.
Ceci se traduirait par une augmentation de l’effet de levier et donc une détérioration des fondamentaux des entreprises, si elle n’est pas contrebalancée par une accélération de la croissance du chiffre d’affaires et une amélioration de la rentabilité.
Le niveau d’endettement des entreprises européennes est relativement modéré par rapport aux sociétés américaines. Une hausse du levier financier ne serait toutefois pas une bonne nouvelle pour le marché du crédit, puisqu’elle pourrait s’accompagner d’une augmentation des taux de défaut et donc un écartement des spreads.
Quels sont les facteurs de risque ?
Comme pour les actifs risqués, les principaux facteurs de risque pour le marché du crédit l’an prochain sont le calendrier politique (source de volatilité), une remontée inattendue ou trop rapide des taux de la Fed en réaction à une accélération de l’inflation, une réduction du programme d’achat d’actifs de la BCE (« tapering »), un ralentissement brutal en Chine ou une guerre des devises qui provoquerait un ralentissement de l’économie mondiale quand les marchés font le pari d’une accélération de la croissance.
Ces éléments pourraient conduire à une remontée plus rapide des spreads, comme ce fut le cas au cours du premier trimestre 2016, au détriment de la performance de la classe d’actifs.
Il faut en outre se rappeler que, ces dernières années, la « quête de rendement » a poussé de nombreux investisseurs vers le crédit et qu’un retournement de marché pourrait provoquer un stress, en particulier si la liquidité venait à manquer (et généralement c’est lorsque l’on en a le plus besoin qu’elle disparaît). Autant d’éléments qui plaident en faveur d’une certaine prudence sur la classe d’actifs, au moins à court terme.