Cet article a été initialement publié sur www.morningstar.co.uk le 30 décembre 2016.
L’année 2016 aura réservé des surprises de taille, non seulement sur le plan politique, mais aussi dans la manière dont les places financières y ont réagi. Qui aurait misé sur une progression des marchés actions l’année du vote des Britanniques en faveur d’une sortie de l’Union européenne (UE) et de l’élection d’une star de la téléréalité à la présidence des États-Unis ? Quelles leçons tirer des événements de l’an passé ?
1. Vecteur d’évolution à court terme des marchés, la macroéconomie est par essence imprévisible
Cela ne fait aucun doute : la macroéconomie a influencé les marchés en 2016. Citons par exemple l’envolée des grandes capitalisations à la suite du vote en faveur du Brexit ou les paris sur la reflation après les résultats du scrutin américain. Le divorce entre Londres et Bruxelles aura également des répercussions concrètes sur certaines entreprises présentes en Europe. Impossible, donc, de l’ignorer.
Pourtant, les investisseurs auraient tort de surestimer l’impact de la macroéconomie sur les marchés. En effet, ces derniers ont (pour la plupart) poursuivi leur avancée malgré tout, soutenus par une économie mondiale faisant son petit bonhomme de chemin loin des projecteurs.
Dans une récente note de blog, Kevin Murphy, gérant au sein de l’équipe Equity Value de Schroders, déclarait que « faire des prévisions macroéconomiques est à la fois très difficile et souvent inutile, car les marchés peuvent évoluer en dépit du bon sens ».
Il explique que, même si les investisseurs avaient réussi à anticiper la victoire de Donald Trump ou le « oui » au Brexit, il est fort peu probable qu’ils aient massivement décidé de se positionner sur les actions « en se disant qu’il ne faudrait que quelques semaines pour effacer les pertes post-référendum et moins d’une journée pour digérer l’accession de Donald Trump à la Maison-Blanche, et que la conquête des records repartirait de plus belle ».
En d’autres termes, même si un investisseur avait visé juste en matière de résultats, il n’aurait pas réussi à en prévoir les conséquences. Forts de ce constat, passons à la leçon n°2.
2. Ne quittez pas le navire
Avant le vote sur le Brexit, beaucoup de conseillers financiers ont dû gérer les demandes de clients désireux de retirer la totalité de leurs actifs du marché actions.
« Les investisseurs ont tout intérêt à ignorer les bavardages des uns et des autres et à être pleinement investis dans plusieurs classes d’actifs : radieux ou sombre, l’avenir du monde nous échappera toujours. En revanche, dans la durée, l’optimisme et l’implication sont souvent récompensés », estime Will Hobbs, responsable de la stratégie d’investissement au Royaume-Uni et en Europe de Barclays Wealth and Investment Management.
3. Le véritable sens du mot « probabilité »
Ayant tiré les leçons des élections législatives britanniques, les sondages se sont révélés relativement fiables avant le vote sur le Brexit. Le 13 juin, la synthèse des prévisions réalisée par le Financial Times donnait une légère avance au camp de la sortie de l’UE : 46%, contre 44% pour les partisans du Bremain. Aux États-Unis, les instituts d’opinion se situaient dans la marge d’erreur habituelle, c’est-à-dire entre 2% et 3%. Les parieurs, qui avaient pourtant si bien réussi à prédire le résultat des élections, ont en revanche eu la main moins heureuse.
C’est l’interprétation des chiffres qui a posé problème. Trop souvent, le marché a estimé qu’une probabilité de 20% équivalait à « zéro chance ». Dans les semaines qui ont précédé le référendum sur le Brexit, les investisseurs ont eu tendance à n’écouter que certains sondages, faisant grimper les actions britanniques et la livre sterling. Quoi qu’il en soit, miser une seule option lorsque les électeurs s’en voyaient proposer deux ne s’est pas révélé pertinent.
4. Le véritable sens du mot « risque »
Les derniers mois de l’année 2016 pourraient avoir sonné le glas de trente ans de hausse sur le marché obligataire. Pour Gary Potter, co-responsable de l’équipe Multi-gestion chez BMO Asset Management (anciennement F&C), bon nombre d’acteurs n’y sont absolument pas préparés : « il y a un an, un portefeuille à faible risque comportait entre 60% et 70% d’obligations. Sur cette période, le rendement des Gilts a grimpé jusqu’à 2% et baissé jusqu’à 0,5%, mais l’allocation d’actifs est restée globalement identique. Le concept de “portefeuille à faible risque” est donc une notion personnelle. Le véritable risque, c’est celui d’une perte en capital ».
De plus, selon lui, un certain nombre de secteurs considérés comme plus défensifs ont enregistré des performances décevantes en 2016. En moyenne, les fonds à rendement absolu terminent l’année en territoire tout juste positif, tandis que les fonds spécialisés en immobilier commercial ont été pénalisés par le Brexit. Et les valorisations des sociétés « de croissance de qualité », dopées par une quête de sécurité à n’importe quel prix, ont amorcé une correction en fin d’année.
Comme l’affirme Kevin Murphy en conclusion de sa note, « la sécurité provient du prix que l’on paie, pas de la dynamique sous-jacente de l’entreprise que l’on achète ».
5. La politique monétaire a ses limites
Le « paradoxe de l’épargne », concept popularisé par l’économiste John Maynard Keynes, décrit une situation dans laquelle les individus deviennent insensibles aux taux d’intérêt. Ils continuent d’épargner en période de marasme économique parce qu’ils n’ont pas suffisamment confiance pour emprunter, même si l’argent est bon marché. Conséquence : la politique monétaire perd en efficacité, la demande de crédit se décorrélant du niveau des taux d’intérêt.
C’est ce qui s’est produit en 2016. À l’évidence, tous ceux - ménages ou entreprises - qui voulaient et pouvaient emprunter l’ont fait. Les taux négatifs ont eux aussi eu des conséquences inattendues, puisqu’ils se sont parfois traduits par une hausse des taux des crédits. Cela devrait entraîner un amenuisement (voire la disparition pure et simple) de la vaste expérience monétaire menée depuis la crise financière mondiale.
Et c’est peut-être la plus grande leçon à tirer de 2016.
Nick Sheridan, responsable Actions européennes chez Henderson, conclut : « en un mot comme en cent, nous recommandons toujours aux investisseurs de prendre le temps de réfléchir avant d’agir. Ce conseil s’est révélé tout à fait pertinent cette année, car les marchés ont souvent été plus influencés par le sentiment que par la logique ou les statistiques ».