Pour les marchés, la qualification des deux candidats représentant des partis extrêmes, Jean-Luc Mélenchon (pour l’extrême gauche) et Marine Le Pen (pour l’extrême droite), serait le scénario du pire.
Ces deux candidats prônent d’une manière ou d’une autre une sortie de l’euro. Pour le candidat d’extrême gauche, la sortie de l’euro est présentée comme un plan B, mais son plan « A » prévoit tout de même une « sortie concertée des traitées européens par l’abandon des règles existantes pour tous les pays qui le souhaitent et la négociation d’autres règles. »
Dans un tel scénario, comment les marchés réagiraient-ils ?
Les marchés de devises et de taux devraient être les premiers à réagir (les marchés de devises étant ouverts dans la nuit de dimanche à lundi). Sur les marchés de changes, les courtiers anticipent une baisse de l’euro et une remontée du franc suisse, du yen et du dollar, qui sont considérées comme des valeurs refuge.
Dans un scénario défavorable et inattendu, certains stratégistes anticipent un écartement du spread des OAT par rapport au Bund de 200 points de base (contre environ 70 points de base actuellement pour les maturités à 10 ans).
Selon les stratégistes d’UBS, un écartement de 100 points de base des spreads souverains se traduirait par une baisse de 7,6% de l’Euro Stoxx 50, une baisse de 2,2% du S&P 500, de 6,4% des actions émergentes, et de 3,4% du haut rendement européen, dans le cas d’une « dislocation globale ».
L’impact serait un peu moins important si la dislocation était plus circonscrite à la zone euro, mais tout de même la banque envisage une baisse de 6,3% de l’Euro Stoxx 50.
Dans l’univers du crédit, les stratégistes de Citi anticipent un écartement des spreads des entreprises françaises de l’ordre de 30 à 40 points de base (pour un spread actuellement de 76 points de base), si l’on se réfère au précédent épisode de stress sur les marchés (crise de la dette en zone euro en 2011).
Au-delà des réactions de court terme de marché, les gérants de Morningstar Investment Management considèrent qu’il faut avant tout ne pas réagir de manière précipitée et évaluer l’impact potentiel des élections sur les fondamentaux des classes d’actifs détenues en portefeuille.
Une chute significative du prix des actifs par rapport à leur juste valeur qui offrirait une marge de sûreté suffisante serait de nature à prendre position et à faire travailler les liquidités détenues dans les portefeuilles modèles.
Mais à ce stade on est encore loin d’un tel scénario. La plupart des classes d’actifs en Europe sont proches de leur juste valeur (cas des actions européennes) ou sont surévaluées (cas des obligations souveraines de la zone euro). Vous trouverez une synthèse de ces vues dans l’allocation d’actifs présentée en début d’année, ainsi qu’un commentaire plus spécifique sur les taux.
Un scénario de type « Brexit » peut-il être envisagé ? L’espoir de certains investisseurs serait de voir juste après la présidentielle une chute des marchés financiers suivie par un rebond dans les jours ou semaines qui suivront.
Ce scénario semble difficile à imaginer toutefois, car de nombreuses incertitudes devront être levées après le résultat du second tour de la présidentielle : le candidat vainqueur aura-t-il une majorité parlementaire ? Pourra-t-il conduire la politique de rupture sur laquelle il a été élu ?
L’expérience de Donald Trump aux Etats-Unis montre qu’en dépit d’un Congrès en apparence acquis à sa cause, et en dépit d’un régime présidentiel fort, le président américain rencontre d’importantes difficultés à tenir ses promesses électorales.
Cette situation a d’ailleurs pris un peu à contrepied le marché américain qui n’a acheté que les bonnes nouvelles (programme de dépenses dans le infrastructures, baisses d’impôts et dérégulation de nombreux secteurs), sans tenir compte de possibles retards.
L’élection du candidat d’un parti extrême serait sans doute plus grave tant les implications sur les fondamentaux de l’économie et des entreprises européennes seraient dans un premier temps difficiles à évaluer, même avec précision.
En tout logique, les investisseurs seraient en droit de demander une prime de risque supplémentaire sur les actifs français (actions, dette souveraine, crédit).