Cet article a été initialement publié dans la Revue Banque dans son édition de mai 2017.
En matière d’investissement le risque est inévitable. L’acte d’investir implique que nous nous projetions dans un futur incertain. Estimer le rendement attendu d’un actif financier suppose d’en déterminer la juste valeur, qui est la somme des cash-flows (dividendes ou coupons) actualisés que nous en attendons.
Néanmoins, l’incertitude liée à ces estimations de cash-flows est au moins aussi importante que l’estimation en elle-même. La plupart des investisseurs étant averses au risque, ils vont chercher à le minimiser et donc à limiter leurs expositions aux actifs perçus comme risqués. La perception du risque va ainsi directement influencer le prix des actifs.
L’étape la plus importante du processus d’investissement est donc de comprendre le risque afin de l’identifier, de le gérer et de maximiser ainsi son rendement.
Qu’est-ce que le risque ? La plupart des investisseurs identifient le risque à la volatilité. Plus le prix d’un actif fluctue pensent-ils, plus il est risqué. C’est une notion qui a été véhiculée et rendue très populaire par la théorie moderne de portefeuille.
Elle a été illustrée par la droite de marché (« capital market line » - cf graphique) qui établit une relation linéaire et positive entre le risque mesuré par la volatilité et son rendement.
Comme l’explique Howard Marks, bien que simple et élégante, cette représentation conduit le plus souvent à des conclusions erronées. La pente positive de la droite de marché induit l’idée que pour générer un rendement plus élevé il faut prendre plus de risque, ce qui n’a pas de sens. Les investisseurs sont effectivement en droit de demander un rendement plus élevé lorsqu’ils investissent dans un actif plus risqué, mais ils n’en ont aucune garantie, sans quoi il n’y aurait pas de risque.
Les investissements les plus risqués sont au contraire ceux dont la distribution des rendements est plus large, ceux pour lesquels la possibilité de rendements faibles voire de perte est plus grande. Il est donc plus logique de représenter le risque de la façon suivante (cf graphique de droite).
Une autre idée erronée à propos du risque est qu’il peut être exactement quantifié ou se résumer à un nombre unique. Les objectifs recherchés par un investisseur, et ce faisant les risques qu’il cherche à éviter sont multiples. Il est donc aisé de comprendre que le risque a plusieurs facettes et qu’il ne peut être réduit à une simple formule mathématique. Le risque le plus important et qui doit être au cœur de chaque décision d’investissement est celui de subir une perte permanente en capital.
Comment identifier le risque et s’en prémunir ?
Comme James Montier nous pensons qu’il existe trois sources de perte permanente en capital : le risque fondamental (une mauvaise appréciation de la qualité d’un actif ou de sa capacité à dégager des résultats), le risque de valorisation (payer un actif trop cher) et le levier (niveau de dette).
La meilleure façon de se protéger contre le risque fondamental est de tenir compte des erreurs potentielles dans l’estimation de la valeur intrinsèque d’un actif.
L’une des solutions communément appliquée est d’investir dans un nombre important d’actifs. Or lorsque vous investissez dans deux actifs qui réagissent de la même manière à certains facteurs, vous ne faites qu’additionner deux mêmes effets potentiellement négatifs. Au lieu de diversifier votre portefeuille, vous en diluez au mieux le rendement.
Warren Buffett et Charlie Munger ont démontré qu’il est possible de générer des performances substantielles sur longue période en ayant un portefeuille de titres relativement concentré, à condition de bien choisir ses sociétés. La réduction du risque fondamental consiste à rechercher des actifs dont le prix et les flux futurs répondent différemment voire de façon opposée à un environnement donné.
Risques extrêmes
La diversification permet également de réduire les évènements de type « cygne noir », que Nassim Nicolas Taleb définit comme des évènements hautement improbables et imprévisibles, dont l’impact est massif et dont l’explication ex-post rend moins improbable qu’il ne pouvait paraître.
Par exemple, l’effondrement de la banque d’affaires Lehman Brothers était-il vraiment un « cygne noir » ou, comme de nombreuses crises financières auparavant, la conséquence logique de surprises prévisibles ? Certaines personnes étaient conscientes des problèmes qui émergeaient dans le marché immobilier américain et de l’exposition excessive de certaines banques à ces problèmes. La situation n’a fait qu’empirer jusqu’à l’éclatement de la crise provoquée par la faillite de ce qui était alors la cinquième banque d’affaires américaine.
Pour protéger son portefeuille il est donc important d’identifier quels sont les risques extrêmes potentiels, quels impacts ils peuvent avoir sur les différents actifs de marché et de construire un portefeuille en associant des actifs dont la valeur réagira de façon opposée ou inverse à ces évènements.
Diversification et prix des actifs
La diversification est au cœur de la gestion d’actifs. Elle permet de gérer l’incertitude, de réduire le risque d’erreur, de contrebalancer les gains et les pertes et d’atteindre un niveau de risque cohérent avec le seuil de tolérance d’un investisseur.
Lorsqu’ils décrivent leur portefeuille, de nombreux gérants expliquent qu’ils visent des actifs de qualité. Cela semble logique mais que se passe t’il lorsque tout le monde achète ces mêmes actifs de qualité ? Sans surprise, leurs prix montent, les primes de risque diminuent, et si le processus s’emballe, des bulles financières se forment provoquant inéluctablement des pertes en capital.
Les actifs les plus réputés peuvent parfois être aussi ceux qui sont les plus risqués. Ce paradoxe existe parce que la plupart des investisseurs croient que la qualité plutôt que le prix détermine si un actif est risqué ou non. Des actifs de grande qualité peuvent être risqués et d’autres de qualité inférieure peuvent ne pas l’être. Cela dépend in fine du prix auquel vous les achetez.
La volatilité comme source d’opportunités
L’expérience montre que les investisseurs sont davantage impactés psychologiquement par des pertes même à court terme que par les gains enregistrés sur le long terme. Même ceux qui prétendent avoir un horizon de temps long revoient en permanence les performances de leur portefeuille et se focalisant trop sur le lissage de celles-ci. Ils sont de fait sans cesse tentés de réajuster leur portefeuille en réaction aux fluctuations de marché.
Trois raisons expliquent pourquoi les stratégies dites de « protection à la baisse » ne produisent pas de résultats satisfaisants à long terme. Tout d’abord, il y a des coûts d’opportunité. Le capital alloué à la stratégie de protection n’est plus disponible pour saisir les opportunités boursières qui se présentent lorsque le marché va trop loin en territoire négatif. Ensuite, peu d’investisseurs réfléchissent à la valeur qu’ils retirent des stratégies de protection. Il arrive fréquemment que les investisseurs poursuivent le même type de stratégie au même moment faisant ainsi augmenter le coût de la couverture, ce qui entrave voire annule l’effet désiré. Enfin, la demande des investisseurs évolue souvent au gré des performances de court terme, ce qui les amène à vendre les actifs ayant essuyé les plus grosses pertes au moment même où il faudrait plutôt envisager de se renforcer.
Les biais comportementaux pénalisent les investisseurs. Si un investisseur a du mal à accepter les marchés volatils, une meilleure approche consiste à prendre du recul, adopter une vue d’ensemble et ne pas se focaliser sur les performances à court terme de son portefeuille.
En outre, lorsque les opportunités d’investissement se raréfient parce que la plupart des actifs sont surévalués, il est plus prudent d’être patient et de conserver une proportion plus importante de liquidités dans son portefeuille, en attendant que de meilleures opportunités d’investissement émergent.
Warren Buffett rappelle souvent que si le prix d’un actif est ce que l’on paye, la valeur est ce que l’on reçoit. Faire attention au prix payé pour un actif eu égard à sa juste valeur est sans doute la décision la plus importante en matière de gestion de portefeuille. Ce faisant le risque est mieux pris en compte tout en permettant à l’investisseur de réaliser ses objectifs financiers.
Contrairement aux idées reçues, investir ne consiste pas à éviter le risque mais à le contrôler. Et le meilleur moyen de le faire reste d’investir sur le long terme en veillant à conserver en permanence une grande marge de sûreté.
Bibliographie
Howard Marks est le fondateur et président du fonds d’investissement Oaktree Capital. Il a publié en 2011 un ouvrage de référence, The Most Important Thing.
James Montier (mars 2011), « The Seven Immuable Laws of Investing », GMO White Paper
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