L’investissement durable a le vent en poupe. Et à juste titre ! Le changement climatique est une réalité et ses conséquences seront désastreuses si les comportements individuels et collectifs n’évoluent pas rapidement et de manière drastique.
En effet, on sait que si rien ne change, la température moyenne de la planète pourrait augmenter de 4 degrés celsius d’ici 2100 (contre l'objectif d'une hausse limitée à 2 degrés). Ceci se traduirait par des événements météorologiques extrêmes affectant 60% de la population mondiale pour un coût allant jusqu’à 5% du PIB mondial, selon les chiffres cités dans une étude de Bank of America Merrill Lynch datée du 12 décembre dernier.
La même étude estime que la transition vers une économie « low carbon » ou peu émettrice de gaz carbonique nécessite un investissement de plus de 70.000 milliards de dollars d’ici à 2040 dans des domaines aussi variés que les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les voitures électriques, l’éclairage et la distribution intelligente d’énergie (« smart grid »), l’Internet des objets, les services informatiques ou les transports.
Logiquement, les investisseurs du monde entier ont pris conscience de l’enjeu et tentent de tenir compte du changement climatique dans leur stratégie d’investissement, avec parfois des conséquences drastiques en matière de gestion de portefeuille, comme l’a récemment illustré le fonds souverain norvégien.
Les émissions d’obligations vertes (« Green bonds ») ont également le vent en poupe et constituent une réponse pour financer les investissements colossaux liés à la transition énergétique. Elles ont atteint 106 milliards de dollars cette année (données à fin octobre), ce qui, avec 110 à 120 milliards pour l’année, fera de 2017 la cinquième année de plus forte collecte de capitaux à vocation « verte ».
Le marché des obligations vertes devrait franchir la barre des 300 milliards de dollars dans le monde, avec plus de 550 émetteurs dans 45 pays et 29 devises.
De leur côté, les sociétés de gestion s’activent pour rendre plus « durables » leur fonds et renforcent leurs équipes d’analystes ESG dans ce sens.
Morningstar prend également part au changement proposant depuis le printemps 2016 la notation ESG des fonds (« Morningstar Sustainability Rating »), et en devenant l’actionnaire de référence de Sustainalytics, l’un des plus gros cabinets de recherche ESG.
Il reste encore des progrès à réaliser. L’un des plus importants me semble être l’intégration des critères dans le coût du capital (WACC) qui sert à l’évaluation de tout projet d’investissement – un sentiment que partagent d’ailleurs certains analystes ESG dans de grandes sociétés de gestion.
L’intégration des facteurs ESG dans l’évaluation des investissements est promue par l’UNPRI (comme le montre ce document). Elle est aussi mise en avant par de nombreux intermédiaires financiers, mais souvent le travail des analystes ESG n’est pas repris in extenso dans celui des analystes financiers, si bien que les rapports d’analyse se limitent aux critères financiers.
Au final, l’évaluation d’un titre par un broker ne tient guère compte de la dimension ESG, que ce soit dans l’estimation des prévisions financières ou dans le coût du capital, qui est un élément déterminant dans l’estimation de la valeur intrinsèque d’un titre.
La promotion de l’ESG fera sans doute un progrès majeur quand l’évaluation de tout type d’investissement se fondera sur un coût du capital qui incorpore pleinement les enjeux liés au développement durable.
Tant que les institutions financières ne remettront pas en cause leur modèle de ce point de vue, leurs efforts en matière de développement durable ressembleront surtout à de beaux exercices de communication.