« L’inflation est le chien qui n’a pas encore aboyé ». L’image, utilisée par les stratégies de Bank of America Merrill Lynch dans une récente note, a le mérite d’être claire.
L’année 2017 a en effet été une année bénie pour les investisseurs : accélération de la croissance économique dans le monde, mais pas d’inflation malgré la remontée des prix du pétrole au cours du second semestre (graphique).
Source : Morningstar Direct
2018 sera-t-il du même acabit ? C’est ce qu’espère le consensus. Mais ce n’est sans doute pas ce qui va se produire. Certains observateurs s’attendent à une remontée progressive de l’inflation, comme l’observe par exemple David Zahn, responsable de la gestion obligataire en Europe chez Franklin Templeton, dans un récent entretien accordé à Morningstar.
En zone euro, l’inflation « core » (hors alimentation et énergie) est passée de 0,7% fin 2016 à 1,1% actuellement. Dans ses dernières prévisions, la BCE table sur une croissance réelle du PIB de 2,3% cette année (après 2,4% en 2017) et une hausse de l’inflation « core » de 1,1% cette année (après 1% en 2017).
Si l’évolution des cours du pétrole est une donnée importante à prendre en considération, car elle joue sur les anticipations d’inflation, les investisseurs sont particulièrement attentifs à l’inflation salariale. En zone euro, celle-ci atteindrait 1,2% cette année contre 0,9% en 2017 selon la BCE.
Aux Etats-Unis, les anticipations d’inflation à 5 ans ont remonté à 2,11% selon le Réserve fédérale de St Louis (graphique).
Source : FRED, St Louis Federal Reserve
Pour de nombreux investisseurs, l’inflation sera LE sujet de l’année 2018. Une accélération de l’inflation plus rapide que prévu est l’un des risques majeurs identifié dans un sondage conduit par les stratégistes taux et devises de Bank of America Merrill Lynch publié fin 2017. 30% d’entre eux plaçaient ce risque en tête des événements à suivre cette année, devant le ralentissement de l’économie mondiale, une hausse des taux dans les pays émergents ou de nouvelles tensions géopolitiques.
Jusqu’ici, l’inflation en zone euro est restée en-deçà de l’objectif de 2% de la Banque centrale européenne. Un scénario qui devrait être valide en 2018 comme on l’a vu. Les experts tablent sur une légère hausse liée à l’augmentation des salaires, à la remontée des cours du pétrole et à une stabilisation voire un repli de l’euro.
Si l’inflation accélère plus vite que prévu, comment réagiront les banques centrales ? C’est bien ce risque qui déterminera l’évolution de la courbe des taux et l’émergence ou pas d’un krach obligataire. D’autres facteurs peuvent jouer, mais jusqu’ici, l’optimisme qui s’est installé sur les marchés est en grande partie lié à la capacité des banques centrales des pays développés de bien télégraphier leurs intentions.
L’été dernier en a été un bon exemple : en évoquant le fait que l’extension du QE jusqu’en octobre serait sans doute la dernière, Benoit Coeuré avait provoqué un rebond de l’euro l’an dernier et une hausse des taux d’intérêt – obligeant l’institution à rétropédaler dans sa communication pour calmer toutes craintes d’un arrêt prématuré de ses interventions sur les marchés.
La BCE étant un gros acheteur d’obligations privées comme publiques, toute erreur de communication est immédiatement sanctionnée par les investisseurs.