Aplatissement, inversion : quelques rappels
La courbe des taux d’intérêt permet de déterminer à quel taux les émetteurs (souverains) peuvent s’endetter pour des maturités différentes.
Les parties courtes (maturités de moins de 2 ans), intermédiaires (2-5 ans) et longues (au-delà de 5 ans) traduisent l’appréciation de différents facteurs. Sur la partie courte, la politique monétaire joue un rôle déterminant, puisque la banque centrale détermine souverainement et de façon indépendante à quel taux les banques commerciales peuvent lui emprunter des liquidités. La partie longue reflète plus les anticipations de croissance économique et d’inflation.
L’écart entre partie courte et longue permet de déterminer le degré de pente de la courbe. Si l’écart est important ou augmente, on dit que la courbe est pentue ou qu’elle se « pentifie ». S’il diminue, on dit que la courbe s’aplatit.
Source : FRED, St Louis Federal Reserve
On a aussi connu des situations où la courbe des taux pouvait s’inverser, c’est-à-dire qu’il coûtait plus cher en termes de taux d’emprunter à court terme qu’à long terme.
L’inversion de la courbe des taux est particulièrement scrutée par les investisseurs car elle a été l’indicateur précurseur des récessions aux Etats-Unis (c’est le cas des 7 dernières récessions selon une étude de Goldman Sachs datée du 22 janvier).
La courbe des taux tend à s’aplatir lorsque l’économie est en fin de cycle et que la Fed commence à remonter ses taux d’intérêt pour éviter le risque de surchauffe.
Dans les phases de récession, la courbe des taux se pentifie à travers sa partie courte, la Fed baissant fortement ses taux directeurs pour soutenir l’activité.
Tout au long de 2017, la courbe des taux s’est aplatie (graphique précédent), en grande partie parce que les taux longs ont eu tendance à diminuer. Mais à partir de septembre dernier, le comportement de la courbe des taux a changé : la partie courte de la courbe s’est mise à progresser (hausse du rendement du 2 ans américain) pendant que la partie longue restait plutôt inerte. On parle d’aplatissement annonciateur d’une baisse (« bear flattening »).
En ce début d’année, un nouveau comportement aparaît : le rendement du 10 ans américain augmente plus rapdiement que le rendement du 2 ans (on parle de « bear steepening »).
Il est possible que l’on retrouver une situation de « bear flattening » aux Etats-Unis avec une hausse plus rapide du 2 ans par rapport au 10 ans, comme cela a été observé lors des précédentes phases de fin de cycle économique dans le pays.
C’est en tout un scénario qui peut être considéré à court terme.
Conséquences pour les classes d’actifs
Comme l’explique David Zahn gérant chez Franklin Templeton, la difficulté pour les investisseurs est que le prix des actifs a été fortement distordu par l’action des banques centrales.
Aussi ce que l’on a pu observer par le passé peut servir de guide pour comprendre l’environnement de marché, même s’il s’agit d’un guide quelque peu approximatif.
La sortie des programmes d’assouplissement quantitatif aura vraisemblablement un impact sur la prime de terme (le surcroît de taux que demandent les investisseurs pour détenir une maturité plus longue). De même la façon dont l’inflation évoluera dans les pays développés, et la manière dont les banques centrales communiqueront sur leur politique monétaire dans les mois à venir.
Dans leur étude les stratégistes de Goldman Sachs observent que l’aversion au risque n’augmentera qu’avec l’inversion de la courbe des taux, annonciatrice d’une récession à venir. Mais ce risque, selon eux, n’émergera pas en 2018.
Les actifs risqués pourraient être favorisés si la courbe des taux continue de s’aplatir, de même que les matières premières. Pour le crédit, la situation est un peu plus compliquée.
Les premiers temps pendant un aplatissement de la courbe correspondent à une phase de resserrement des spreads de crédit, ce qui est bénéfique à la classe d’actifs (laquelle a dégagé des rendements positifs l’an dernier).
Il arrive cependant un moment où la compression des spreads atteint ses limites. Ils finissent eux aussi par signaler un risque de récession avant d’autres classes d’actifs (notamment avant les actions).
Parmi les facteurs déterminants de l’impact de la courbe des taux sur les classes d’actifs, il y a certes l’inflation, mais il y a aussi les anticipations de croissance économique. Ces dernières ont été plutôt robustes, en tout cas si l’on en croit les indicateurs avancés.
Mais comme souvent, dans les phases où tout semble aller pour le mieux, les investisseurs tombent dans de nombreux biais psychologiques et ne parviennent pas à prendre de recul. Intégrer des informations qui remettent en question votre scénario central (poursuite de la croissance économique sans inflation, comme actuellement) est inconfortable et souvent ignoré.
C’est dans ces circonstances que les risques de correction boursière augmentent de manière significative.