Nous estimons que la mise en œuvre du projet de réglementation de la Securities and Exchange Commission (SEC) sera essentielle pour savoir si cette règle de l’« intérêt supérieur » transformera autant (voire plus) le secteur financier que la règle fiduciaire du département du Travail (DOL).
Alors que le projet du gendarme de la bourse américaine fait actuellement l’objet d’une consultation publique, l’avenir de la règle fiduciaire est en suspens, l’attention se focalisant sur Washington et l’éventuelle contestation du jugement fédéral annulant cette règle.
Si aucun de ces deux textes n’est gravé dans le marbre, il est quasi-certain que les États-Unis finiront par adopter une norme en matière d’intérêt supérieur. Nous confirmons pour l’heure les estimations de juste valeur et les notes de « moat » (avantage concurrentiel) des entreprises concernées, mais procéderons à une mise à jour une fois le cadre réglementaire stabilisé.
Si la règle de l’intérêt supérieur de la SEC recoupe la règle fiduciaire du DOL sur de nombreux aspects, deux différences majeures existent.
D’une part, la règle de la SEC concerne les recommandations fournies aux détenteurs de comptes imposables et de comptes de retraite, tandis que la règle du DOL ne porte que sur ces derniers.
Les actifs des comptes imposables gérés par des conseillers financiers sont généralement deux à quatre fois supérieurs aux actifs des comptes de retraite.
D’autre part, c’est la SEC qui appliquera elle-même sa règle, tandis que l’application de celle du DOL est subordonnée au lancement de recours collectifs par le biais du processus de dispense de contrat d’intérêt supérieur (Best Interest Contract Exemption, ou BICE).
Si bon nombre d’acteurs du secteur des services financiers se réjouiront d’être moins exposés au risque de poursuites, l’application de la règle de la SEC pourrait s’avérer plus coûteuse.
En effet, le BICE permettait aux entreprises d’insérer une clause de dispense de dommages-intérêts punitifs dans les contrats : les recours collectifs ne pouvaient donc entraîner qu’une restitution ou une réparation permettant aux investisseurs de retrouver leur situation antérieure.
Inversement, le dispositif de la SEC a tendance à prévoir à la fois la restitution et des pénalités, un élément que les sociétés de gestion de patrimoine ont peut-être ignoré. Ces deux dernières années, la SEC a infligé quelque 2 milliards de dollars de pénalités.
À l’instar de la règle fiduciaire du DOL, la règle de l’intérêt supérieur de la SEC est susceptible d’avoir des effets très larges sur le secteur financier, puisqu’elle régira le fonctionnement des conseillers financiers, principaux distributeurs de produits financiers de type fonds communs ou valeurs mobilières.
Tout comme la règle fiduciaire du DOL, la proposition de la SEC comporte une « obligation relative aux conflits d’intérêts ». Plus spécifiquement, lorsqu’un courtier-négociant se trouve en situation de conflit d’intérêts majeur en raison des aspects financiers d’une recommandation, le conseiller doit résoudre ce conflit ou le signaler et l’atténuer.
Le courtier-négociant doit également avoir adopté des politiques et procédures raisonnables pour repérer ces conflits. Si le projet de réglementation de la SEC est adopté, la portée transformatrice pourrait être comparable à la règle du DOL.
Dans l’hypothèse d’une suspension complète de la règle fiduciaire, les seules gagnantes potentielles seraient les compagnies d’assurance. Pourquoi ? Parce que la SEC est l’autorité en charge des valeurs mobilières. Or certains produits d’assurance ne sont pas considérés comme tels et passent donc entre les mailles du filet réglementaire.
Si les réglementations arrivent par flux, bon nombre de tendances de gestion d’investissement s’inscrivent dans la durée. Le projet de règle de l’intérêt supérieur de la SEC, ainsi que deux autres règles connexes (requérant, pour l’une, de nouvelles informations et imposant, pour l’autre, des exigences renforcées aux conseillers agréés en investissement), fait l’objet de nombreuses demandes de commentaires et pourrait donc évoluer.
La règle fiduciaire du DOL pourrait être révoquée, rester en l’état ou être modifiée après étude approfondie. En outre, certains États ont eux-mêmes pris la question des règles fiduciaires à bras-le-corps.
Si des règles d’intérêt supérieur sont adoptées dans plusieurs juridictions américaines et dans le reste du monde, les sociétés de gestion de patrimoine auront tout intérêt à adopter des systèmes leur permettant de prouver qu’elles placent l’intérêt supérieur de leurs clients avant leurs propres intérêts financiers, puisqu’elles seront probablement soumises à une norme de la sorte dans un pays ou un autre.
Les sociétés de gestion devront, en plus de ces enjeux d’intérêt supérieur, s’adapter aux tendances à long terme que sont l’essor des produits d’investissement à bas coût, les services à commissions et le conseil numérique. À court terme, ce sont les prix des actifs et les taux d’intérêt qui influenceront les bénéfices.
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