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Gestion d’actifs : les pièges à éviter quand la volatilité revient

De nombreux biais psychologiques peuvent faire commettre des erreurs aux investisseurs quand les marchés deviennent plus volatils. Il est toutefois possible de les éviter.

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Cet article a été initialement publié dans le numéro d'Avril 2018 de la Revue Banque.

 

Le pire ennemi de l’investisseur n’est autre que lui-même. Cette réalité, mise en évidence par Benjamin Graham dans les années 30, revient sur le devant de la scène à chaque soubresaut sur les marchés financiers.

Prendre du recul

Le début d’année n’a pas échappé à cette règle et doit inciter les investisseurs à une prise de recul. Le cycle financier actuel fête ses 10 ans, la croissance économique est désormais partagée par de nombreux pays, les indices de confiance sont excellents, les entreprises se remettant à investir et à embaucher – tout semble donc favoriser la poursuite d’une tendance haussière sur les marchés.

Sans vouloir jouer les cassandres le calme ambiant nous laisse perplexe. L’injection massive de liquidités sur les marchés a permis aux banques centrales d’éviter la stagflation tant redoutée en 2015.

C’est une réussite remarquable mais qui n’est pas sans effet secondaire puisqu’elle a également entrainé un gonflement sans précédent du prix de nombreuses classes d’actifs. Absente depuis de nombreuses années, l’inflation, encore timide en Europe, mais bien réelle aux Etats-Unis contraint désormais la Réserve Fédérale américaine, et sa consœur européenne à renverser la vapeur en retirant progressivement des liquidités sur les marchés financiers et à remonter les taux.

Après de très belles années boursières, les perspectives de rendement sont faibles, le contexte de marché se complexifie pour les investisseurs qui semblent avoir mangé leur pain blanc.

Les banques centrales réussiront elles à se désengager sans heurt des marchés obligataires, Donald Trump surmontera-t-il ses tentations protectionnistes, les peuples européens à calmer leurs pulsions nationalistes ? Autant de questions dont l’issue pourrait potentiellement affecter les performances de nombreux investisseurs.

Maîtriser ses émotions

Nous le savons, dans un contexte ambigu et complexe chacun d’entre nous a tendance à se laisser dominer par ses émotions plutôt que d’agir de façon cartésienne.  Il en va de même sur les marchés.

Pour préserver son capital, il est indispensable d’éviter certains écueils tant ils peuvent coûter cher, surtout lorsque les marchés deviennent plus turbulents.

Après plusieurs années de calme boursier orchestré par les banques centrales beaucoup d’investisseurs ont certainement oublié que la volatilité est normalement partie intégrante de l’acte d’investir.

Comme nous l’avons vu en début d’année une chute brutale et inattendue des marchés fait paniquer beaucoup d’épargnants et les pousse à vendre leurs actifs étant soumis à ce qu’on appelle en psychologie un biais de récence.

Ils anticipent une perte irrémédiable de leur capital financier en transformant la correction en période de baisse ininterrompue. Plutôt que de contrôler leurs émotions, ils vendent au creux de la vague, sans attendre le rebond du marché, leur prophétie devient auto réalisatrice.

Une façon simple d’éviter ce type de comportement est de prendre conscience des biais qui nous animent afin de reprendre le contrôle de nos émotions et rester concentrer sur nos objectifs d’investissement à long terme.

Cela peut s’avérer plus facile à dire qu’à faire, une alternative est donc d’introduire de la friction, en se forçant à retarder la prise de décision – en introduisant un délai de latence obligatoire de plusieurs jours pour ne pas réagir à chaud.

Une autre technique consiste simplement à se remémorer – mieux encore à relire – ses objectifs en matière d’investissement, dans quel but épargnons-nous, quel est l’horizon de temps que l’on s’est fixé pour atteindre cet objectif financier et quel est le plan mis en place pour y parvenir (investir à un prix raisonnable dans des valeurs dont les fondamentaux sont solides et les conserver dans son portefeuille dans la durée).

A l’extrême inverse certains font preuve d’un excès de confiance et se bercent de l’illusion qu’ils dominent la situation. Souvenons-nous de Chuck Prince, alors directeur général de Citigroup qui en juillet 2007 à l’aube de l’implosion de la crise des sub-primes recommandait de continuer à danser tant qu’il y avait de la musique car la liquidité sur les marchés resterait amplement suffisante.

N’est-ce pas très exactement l’attitude de ceux qui, conscients de la survalorisation actuelle des actions américaines, recommandent de rester pleinement investi pour ne pas manquer les derniers pourcentages de la hausse, sous prétexte que la banque centrale jouera le rôle de soupape de sécurité ?

Ce faisant ils investissent avec un ratio de gain espéré rapporté aux pertes potentielles extrêmement défavorable, leur degré de perte en capital étant assez considérable comme l’illustre le tableau ci-dessous.

Nous avons classé les actions de plusieurs zones géographiques en quintiles selon leur cherté mesurée par leur ratio de CAPE (prix divisé par la moyenne mobile des bénéfices par actions publiés sur 10 ans) et comparé les niveaux de drawdown moyens (perte maximum en capital) sur une période de 5 ans de chacun des quintiles. Sans surprise et quelle que soit la classe d’actifs, il y a une relation inversement proportionnelle entre la cherté d’une classe d’actif et la perte en capital subséquente. 

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Ralentir le temps

Cette illusion d’invulnérabilité s’accompagne bien souvent d’un trouble d’hyperactivité. Ce biais est encore plus avéré aujourd’hui que par le passé : les moyens technologiques actuels nous permettent de suivre les performances de nos placements en temps réel et d’implémenter nos décisions de gestion sur des délais toujours plus courts.

Dans les années 60, le temps moyen de détention d’un titre dans un portefeuille était d’environ 6 ans, aujourd’hui il est bien inférieur à six mois. Nous sommes tous conditionnés à agir – cela nous flatte ou nous rassure et c’est d’autant plus vrai en période de baisse de marché, lorsque nous sommes confrontés à de mauvaises performances de nos actifs financiers. Ces biais d’agence conduisent ainsi certains conseillers à multiplier les décisions de gestion afin de justifier leur rémunération.

Cela s’applique également lorsque les investisseurs achètent et vendent des fonds. Dans le graphique ci-dessous nous avons mesuré la performance moyenne d’un fonds comparée à celle d’un investisseur, laquelle tient compte des flux d’entrées et de sorties, et à celle obtenue par un portefeuille dont les positions n’auraient pas été modifiées.

Sur 10 ans à fin 2016 le rendement annualisé des investisseurs dans des fonds diversifiés était d’environ 4,36% contre une performance de 5,15% pour les fonds de la catégorie. Autrement dit le coût minimum associé aux décisions d’entrée et de sortie a été d’environ 7,6% sur 10 ans, et à cela s’ajoutent les droits d’entrée et de sortie, les commissions et autres frais de courtage qui font vivre beaucoup d’intermédiaires financiers.

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Dans ces conditions, il est plus pertinent d’adopter un horizon d’investissement long et de respecter sa politique d’investissement.

De surcroît, si l’on vous disait qu’une fois sélectionné vous n’aviez plus la possibilité de vous départir de votre investissement, vous ancreriez vos décisions sur ce qui détermine véritablement la valeur intrinsèque d’un actif, c’est-à-dire ses fondamentaux, et vous vous garderiez bien d’acheter quoi que ce soit à un prix plus élevé que cette même valeur.

La paralysie ou le paradoxe du choix

Dans un environnement complexe et incertain, nous nous sentons souvent paralysé, préférant déférer la décision à autrui.

Ceci peut amener à s’en remette au choix du plus grand nombre c’est-à-dire à la pensée dominante. Nous nous imaginons par exemple que « le marché » sait quelque chose que nous ne savons pas et adoptons alors un comportement moutonnier plutôt que d’agir de façon indépendante.

Là encore, avoir une idée claire de la valeur intrinsèque d’un actif servira de point de référence pour déterminer si le marché a tort ou a raison. Ceci peut conduire à prendre une position contrariante, mais qui sera toujours justifiée si elle s’appuie sur une analyse des fondamentaux, qui restent le déterminant principal des prix de marché sur le long terme.

Dans l’environnement actuel, il est donc primordial d’intégrer l’analyse des biais comportementaux à sa philosophie d’investissement et à la façon dont on appréhende la gestion de son portefeuille.

Il faut en permanence garder ses objectifs et son horizon d’investissement à l’esprit, construire un processus de gestion robuste, qui permet d’éviter ou de limiter les biais comportementaux auxquels on est soumis, et toujours avoir le courage de suivre le plan de marché défini en résistant à la tentation de suivre la foule.

« Vous n’avez pas besoin d’être un ingénieur en aérospatiale. La gestion d’actifs n’est pas un domaine où celui qui a un QI de 160 fera mieux que celui qui a un QI de 130. Etre rationnel est essentiel », rappelle très justement Warren Buffett.

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A propos de l'auteur

Clémence Dachicourt

Clémence Dachicourt  est Senior Portfolio Managers au sein de Morningstar Investment Management (MIM) Europe.