Depuis le début de l’année, les actions émergentes sont à la peine. L’année 2018 est d’ailleurs l’image presque inverse de 2017 (graphique).
Source : Morningstar Direct
L’indice Morningstar Emerging Markets cède 4,6% pour un investisseur en Europe, quand les actions européennes progressent d’un maigre 0,9% et les actions américaines surclassent tout le monde avec un bond de 14,3%.
Les raisons du retard
Les raisons sont à la fois fondamentales et liées au changement du sentiment de marché. La classe d’actifs connaît un certain nombre de difficultés sur le front économique – ralentissement du commerce mondial, resserrement des conditions financières, politique monétaire chinoise moins accommodante, ce qui renchérit le coût du crédit.
Le marché lui aussi se montre plus sceptique à son égard, prétextant de la hausse du dollar et de la divergence des politiques monétaires, en particulier la poursuite du resserrement monétaire de la Fed.
Les fonds gérés activement et agréés à la vente en France souffrent eux aussi (graphique). Il est intéressant de noter qu’en moyenne, la moyenne de catégorie a rarement battu son indice de référence, à l’exception de 2013 et 2014.
Source : Morningstar Direct
Ceci se traduit sans grande surprise dans une fluctuation parfois importante des flux de collecte des fonds gérés activement.
Source : Morningstar Direct
Si l’on tient compte des frais de gestion, le graphique précédent amène deux enseignements : il est préférable de privilégier une gestion passive ou indicielle, ou alors faire en sorte de sélectionner les meilleurs gérants actifs qui sauront justifier le fait de payer des frais de gestion pour battre le marché. Mais même ces derniers peuvent parfois connaître des périodes de sous-performance.
Charge aux investisseurs de savoir se montrer patient et d’avoir une vue claire sur le rôle de la classe d’actifs dans une allocation et sur ses moteurs de performance sur le long terme. Car la sous-performance observée actuellement des actions émergentes n’est pas nouvelle.
Divergence de croissance économique
Dans une étude sur les phases de divergence entre actions émergentes et américaines en date du 30 septembre, les stratégistes de Goldman Sachs observent que les périodes de divergence entre actions américaines et émergentes ont été assez fréquentes depuis plus de 30 ans. Ces périodes durent en moyenne 6 mois et sont souvent suivies par un « rallye » des actions émergentes.
Le facteur le plus important, d’après Goldman Sachs, est la divergence des trajectoires de croissance économique. Depuis le début des années 1980, on a pu observer des périodes durant lesquelles la croissance américaine ralentissait, entraînant le monde émergent à sa suite ou des périodes de divergence avec un ralentissement du monde émergent, mais une bonne résistance de l’économie américaine (1987, 1994, 1998, 2013), expliquant la sous-performance des actions émergentes.
La situation présente ressemble un peu à ce dernier cas de figure : la croissance américaine demeure relativement solide tandis que la situation des marchés émergents est moins favorable. La Chine est en phase de décélération, ce qui pèse sur la dynamique de la zone Asie. L’Amérique Latine accélère mais sur des niveaux bas (1,3% attendu en 2018), en raison des difficultés de l’Argentine et du Venezuela. L’Europe émergente est également confrontée à un ralentissement lié aux difficultés de la Turquie et à la croissance très molle de pays comme la Russie ou l’Afrique du Sud.
Les moteurs d’un rebond ?
Qu’est-ce qui pourrait inverser la tendance actuelle des Bourses émergentes et des flux ? En termes de valorisation, les écarts sont assez significatifs. Les actions américaines se traitent autour de 17x le résultat attendu à 12 mois (0,4 écart-type au-dessus de leur moyenne historique de 5 ans) contre 11x pour les actions émergentes (0,1 écart-type sous la moyenne historique).
S’il n’y a pas encore de signe de capitulation sur les émergents, un rebond semble d’autant plus possible que c’est souvent de cette manière que la classe d’actifs a historiquement comblé une partie de son retard : on a en effet rarement vu les actions américaines plonger et lorsque cela s’est produit, l’ensemble des marchés étaient affectés.