Pour évaluer le potentiel de rendement à venir des actions, il est parfois utile de comprendre d’où l’on vient.
La performance de la classe d’actifs est le produit de trois éléments principaux : la croissance des résultats, leur multiple de valorisation et le taux de distribution des dividendes. La croissance des profits est elle-même le fruit de plusieurs « drivers » tels que l’évolution du chiffre d’affaires, le niveau de marge (combien un euro de chiffre d’affaires produit de résultat d’exploitation ou de résultat net), l’effet de levier (recours à l’endettement) ou la rotation des actifs (combien 1 euro d’actif produit de chiffre d’affaires).
S’il est facile de comprendre la contribution de ces fondamentaux aux variations du cours de Bourse d’une entreprise, l’évolution des multiples de valorisation reflète davantage la psychologie des investisseurs. Lorsqu’ils sont optimistes, ils acceptent de payer cher les actions, et lorsqu’ils sont déprimés, les multiples de valorisation sont eux aussi au fond du trou.
Un exemple parlant dans le premier cas peut être le secteur du luxe ou de la technologie. A l’inverse du côté des secteurs déprimés, les valeurs bancaires font l’objet d’un « de-rating » massif actuellement.
Les phases les plus extrêmes surviennent en période de krach boursier ou de bulle.
Sur longue période, on a observé que plus le multiple de valorisation des actions est élevé, plus la performance à venir est faible.
Parmi les indicateurs populaires, même si souvent critiqués, pour tenter d’anticiper l’évolution future des marchés, les investisseurs se réfèrent souvent au « P/E de Shiller ». Le P/E est le ratio entre le cours de Bourse d’une action et le bénéfice par action de l’entreprise concernée. On peut aussi le calculer pour un indice.
Robert Shiller, économiste et professeur à l’université de Yale, a développé une méthodologie qui rapporter le cours de Bourse au bénéfice moyen sur 10 ans, pour lisser la composante court terme de l’évolution des profits.
Source : Robert Shiller, Yale University
Ce indicateur a de fait atteint des sommets au moment où les marchés étaient en situation de bulle, comme en 1929, à la fin des années 1960 (« Nifty Fifties ») ou en 2000, avec la bulle TMT.
De même, la période récente montre que les actions américaines sont chèrement valorisées. Mais tant que les fondamentaux des entreprises américaines tiennent, que l’économie se porte bien et que le sentiment des investisseurs est porteur, cette situation pourrait perdurer.
Ce qui fait douter certains observateurs, toutefois, est que le niveau de profitabilité est à des niveaux historiquement élevés, et qu’il est difficile de savoir si cela peut durer. La difficulté de l’analyse est liée notamment au rôle des valeurs technologiques, qui pèsent lourd dans les indices américains.
De même, la dynamique de l’économie est liée à la contribution du déficit public, mais la menace d’une guerre commerciale avec la Chine, qui pourrait enlever jusqu’à 1,5 point de pourcentage de croissance au pays, pourrait représenter un revers pour la classe d’actifs.
Il en va de même de la politique de « normalisation » conduite par la Fed. La hausse des taux à 10 ans américains à plus de 3,2% ces dernières semaines a d’ailleurs contribué au regain de volatilité de Wall Street.
Encore une fois, le rôle des valeurs technologiques et des rachats d’actions a été très importants ces dernières années, de même que le « quantitative easing ». La fin de cette période semble proche.
Si la valorisation des actions américaines est élevée, tous les risques mentionnés précédemment doivent être mis en balance des facteurs de soutien fondamentaux, mais l’impression d’ensemble devrait plutôt pointer vers une certaine prudence.