Le marché semble ne pas avoir totalement intégré la perspective d’un « Hard Brexit ». Cela peut s’illustrer et s’expliquer de plusieurs façons.
L’exposition moyenne des gérants flexibles investis en actions européennes (y compris celles du Royaume-Uni) a fortement diminué après le vote du Brexit en juin 2016 (graphique). A environ 14-15%, elle se situe à un niveau près de deux fois inférieur à la pondération d’un indice large tel que le MSCI Europe (27,5%), mais elle semble s’être stabilisée et a même montré quelques vélléités de rebond mi-2018.
Source : Morningstar Direct
Cette relative résilience des investissseurs s’expliquerait par l’expérience du passée et la manière dont l’Europe a été en mesure de faire front uni face aux demandes du Royaume-Uni.
Le vote du Brexit avait créé un effet surprise qui avait un peu abasourdi les marchés financiers. Le rendement 10 ans des obligations souveraines britanniques avait atteint un point bas de 0,5% (contre 1,1% environ actuellement), la livre avait fortement corrigé.
Les actions européennes avaient d’ailleurs baissé davantage que les actions britanniques (-11% contre -5,6% en devise locale), les marchés intégrant alors le risque d’un éclatement de l’Union européenne.
Or depuis, les discussions entre le Royaume-Uni et l’Union ont fait ressortir du côté européen, une union plutôt solide et jouant le front uni, face à un Royaume-Uni donnant l’impression d’espérer une solution de dernière minute – stratégie de plus en plus risquée et qui n’offre aucune visibilité aux entreprises.
Que se passerait-il si un « Hard Brexit » devait survenir fin mars ? Les stratégistes d’Oddo-BHF tablent ce matin sur une contraction de 1% du PIB de la zone euro (-5% au Royaume-Uni) avec à la clef une chute de 20-25% de la livre et des marchés actions qui reculeraient de respectivement 5-10% au Royaume-Uni et de 5-7% en zone euro.
Les réactions par secteurs d’activité devraient également être hétérogène, compte tenu de niveau d’imbrication industrielle ou d’exposition pays différents entre secteurs et entre entreprises (lire notre analyse sur les secteurs d’activité les plus affectés).
En termes économiques, les travaux de la banque Natixis avaient indiqué que parmi les pays européens les plus exposés au risque Brexit, outre l’Irlande, le Benelux et les pays nordiques (Danemark, Suède, Finlande) devançaient largement l’Allemagne (3,3% du PIB), l’Espagne (3,1%), la France (2,7%) et l’Italie (1,8%).
Une correction boursière britannique se traduirait-elle nécessairement par une chute de l’exposition aux actions du pays ? Cela dépendra vraisemblablement des perspectives de sortie d’une crise déclenchée par un Brexit dur.
Certains gérants actifs chercheront à profiter d’une correction boursière pour acheter à bon compte et surtout avec une livre davantage dépréciée des titres fortement décotés.
Actuellement, la décote moyenne de valorisation des 59 titres britanniques suivis par l’équipe de recherche actions de Morningstar est de 5%. Le titre le plus décoté (44%) est Vodafone. Le plus cher (prime de 63%) est Anglo-American.