Depuis le début de l’année, les marchés actions émergents affichent un net retard sur le monde développé. Pour un investisseur en euro, les premiers enregistrent un gain annuel de 14,5% contre 4,9% pour les seconds.
En 2018, année particulièrement volatile, le monde émergent a plus souffert que le monde développé, même si ce dernier a le plus reculé en fin d'année (tableau).
Si l’on regard sur des horizons de temps plus longs, de 5 ou 10 ans, un investisseur aurait mieux gagné en pariant sur les pays développés (respectivement +10,6% par an et +13,3%) que sur le monde émergent (+5,8% et +8,4% respectivement).
Source : Morningstar Direct
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Ce constat est d’autant plus paradoxal que sur longue période, les pays émergents affichent une croissance plus rapide que les pays développés, en raison de la dynamique démographique, de la croissance de la population active, de l’élévation du niveau moyen d’éducation et des gains de productivité et, à quelques exceptions près, affichent souvent une situation financière bien meilleure que celle des pays développés (inflation sous contrôle, faible niveau d’endettement ou de déficit publics).
Qu’est-ce qui explique cet apparent paradoxe, la Bourse étant sensée refléter la performance d’une économie sur le long terme ?
Dans une étude publiée la semaine dernière qui analyse les 8 dernières années, les analystes de Goldman Sachs pensent qu’une des raisons est la faible dynamique de croissance des profits des entreprises des pays émergents sur la période 2010-2018 : -1,8% par an en dollars contre +2,7% par an pour les pays développés.
Cette situation contraste très fortement avec la période 1990-2000 ou 2000-2010, où les profits du monde émergent progressaient plus rapidement que ceux du monde développé (en particulier entre 2000 et 2010 où la croissance des profits était de respectivement 12,7% par an contre 3,6%). Le rôle des multiples de valorisation, autre contributeur important à la performance des indices, serait marginal sur la période. Le cas des dividende n’est pas abordé.
L’analyse de Goldman se cantonne à l’étude de relations macro-économiques entre croissance du PIB et évolution des profits et ne va pas dans le détail des secteurs et survole la contribution par zones géographiques.
Il faut toutefois observer que depuis la crise financière de 2008, la croissance des profits du monde développé a été en grande partie aidée par les Etats-Unis et le boom du secteur technologique. Déjà bien représenté parmi les plus fortes pondérations de l’indice, le poids du secteur n’a cessé de croître au fil du temps.
Fin 2009, Microsoft, Apple, IBM, Google ou Cisco faisaient déjà partie du top 20 de l’indice Morningstar DM où ils représentaient un peu plus de 2% de l’indice. Dix ans plus tard (fin avril 2019), le poids du secteur était bien plus important, aidé également par l’augmentation des noms précités et l’augmentation de la pondération d’autres valeurs phare du secteur – Amazon, Facebook ou encore Visa. Au total, les premières pondérations de l’indice liée au secteur totalisaient environ 10%.
Parmi les plus grosses pondérations on trouvait aussi des valeurs présentes dans les secteurs de la consommation défensive (Procter & Gamble, Nestlé, Coca-Cola) ou de la santé (Johnson & Johnson, Pfizer), des sociétés toujours présentes et rejointes par d’autres entreprises très solides comme Berkshire Hathaway ou Walt Disney. Autant de secteurs très prisés des investisseurs de par leurs qualités défensives et leur statut de « bond proxy », c’est-à-dire des valeurs qui offrent une bonne visibilité sur les flux de trésorerie et qui sont en mesure de faire progresser leur dividende, au moment où les taux d’intérêt ne cessaient de reculer.
Le différentiel de croissance des profits n’est pas le seul élément relevé par Goldman Sachs : la volatilité des profits des entreprises émergentes est bien plus élevée que celles du monde développé : 20% en moyenne sur la période 1987-2018 contre 13,9%.
Ces facteurs peuvent-ils perdurer ? Sans doute, mais l’écart de valorisation entre les univers développé et émergent n’a lui aussi cessé de croître.
Source : Morningstar Direct
Actuellement, l’environnement économique et financier ne plaide pas pour une réduction de la décote.
D’un côté, le mix de politique économique aux Etats-Unis demeure favorable à la croissance, même s’il se traduit par une augmentation des déséquilibres (endettement, déficit public et commercial).
De l’autre, les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine menacent la croissance des deux pays, mais pour l’heure, ce sont surtout les marchés émergents, chinois en tête, qui en pâtissent le plus.
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