La proposition d’une fusion avec Fiat Chrysler Automobiles (FCA) fait des heureux : les actionnaires de Renault, dont l’action bondit de près de 14% ce lundi matin à la Bourse de Paris.
Il faut dire que depuis novembre dernier, ces derniers avaient de quoi broyer du noir face au scandale lié à la gouvernance de l’alliance Renault-Nissan et à l’étalement au grand jour des difficiles relations avec le partenaire japonais.
Le projet de FCA est on ne peut plus politiquement correct : pas de fermetures d’usines, des synergies alléchantes, une fusion entre égaux.
Mais quelle égalité ? Les deux groupes affichent une rentabilité qui s’est certes redressée, mais demeure encore modeste au regard des leaders de l’industrie. En Europe, principal marché de Renault (mais le second de FCA loin derrière l’Amérique du Nord), la part de marché combinée de Renault, FCA, Nissan et Mitsubishi dépasse à peine celle de Peugeot, et reste encore bien loin de celle de Volkswagen (voir les statistiques en bas d’article).
En termes de valorisation boursière, avant l’annonce, Renault pesait à peine 15 milliards, pour un multiple de résultat à 12 mois de 4,2x ; FCA valait un peu moins de 18 milliards pour un multiple de 4,5x, donc à peine supérieur. Là encore des multiples inférieurs aux leaders de l’industrie.
Chacun des deux constructeurs à quelques atouts dans sa manche : côté français, le positionnement très fort dans le « low cost », la présence dans l’électrique, la participation dans Nissan qui ouvre une perspective sur les marchés nord-américain mais surtout asiatique.
Pour FCA, la présence en Amérique du Nord grâce aux marques du groupe Chrysler (Jeep, RAM, Chrysler, Dodge, Mopar), le positionnement sur le segment haut de gamme, même si ce dernier a un peu perdu de sa gloire (voire les résultats en forte baisse de Mazeratti l’an dernier).
L’un des enjeux centraux porte sur la fusion de deux groupes aux cultures différentes, et sur la mise en place d’une gouvenance équilibrée mais qui ne bloque pas le processus de décision.
A voir les déboires d’EssilorLuxottica, où l’actionnaire familial italien a visiblement tenté (en vain ?) de prendre le pouvoir en s’appuyant légitimement sur sa participation au capital, une fusion Renault-FCA posera les mêmes questions d’équilibre des pouvoirs et de bonne gouvernance : si aucune fermeture d’usine n’est prévue à brève échéance, il semble évident que la rationalisation de l’outli interviendra à terme, ne serait que pour faire face à un retournement du cycle économique mondial, aux pressions issues des tensions commerciales entre Chine et Etats-Unis.
Les promoteurs du projet mettront sans doute en avant que c’est justement au regard de ces enjeux, de l’émergence des véhicules propres et de la nécessité de réduire le niveau d'émission de leur gamme actuelle (FCA ayant le plus d'effort à fournir), des changements des habitudes des consommateurs (moins propriétaires, plus locataires voire co-utilisateurs), que les économies d’échelle permettent de mieux répondre.
Mais ce projet n’enlève aucunement l’impression d’une réaction, d’un mouvement avant tout défensif, dans une industrie où la rentabilité du capital évolue au gré du cycle de l’économie, quel que soit in fine le nombre de voitures que l’on produit.
Dernières statistiques de ventes automobiles en Europe
Parts de marché en avril 2019 de Renault : 11%
FCA : 6,7%
Nissan : 2,3%
Mitsubishi : 0,9%
Volkswagen : 24,8%
PSA Group : 16,5%
Données financières et de valorisation de quelques constructeurs automobiles
Renault (données financières 2018)
Chiffre d'affaires (CA) 57,4 milliards d'euros (mds), Résultat d'exploitation (EBIT) 3,6 mds (6,3%), RN 3,3 mds
14,8 milliards d’euros de capitalisation boursière (24 mai 2019)
P/E 12 mois 4,2x (24 mai 2019)
FCA (données financières 2018)
CA 110.4 mds, EBIT 5.2 mds (4.7%), RN 3.3 mds
17,8 milliards d’euros de capitalisation boursière (24 mai 2019)
P/E 12 mois 4,5x (24 mai 2019)
Volkswagen (données financières 2018)
CA 235,8 mds, EBIT 19,9 mds (marge 8,4%), RN 11,8 mds
29,5 milliards d’euros de capitalisation boursière (24 mai 2019)
P/E à 12 mois 5,3x
Toyota (données financières 2018, en euros)
CA 235,5 mds, EBIT 19,2 mds (marge 8,2%), RN 14,7 mds
150 milliards d’euros de capitalisation boursière (27 mai 2019)
P/E à 12 mois 8x
La section Commentaire vise à apporter une série de points de vue sur l'actualité économique et financière. Ces points de vue s'appuient sur une variété de sources, dont la recherche financière de Morningstar.
© Morningstar, 2019 - L'information contenue dans ce document est à vocation pédagogique et fournie à titre d'information UNIQUEMENT. Il n'a pas vocation et ne devrait pas être considéré comme une invitation ou un encouragement à acheter ou vendre les titres cités. Tout commentaire relève de l'opinion de son auteur et ne devrait pas être considéré comme une recommandation personnalisée. L'information de ce document ne devrait pas être l'unique source conduisant à prendre une décision d'investissement. Veillez à contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute décision d'investissement.