Libra : quelles implications pour le secteur des services financiers ?

Pour l’heure, Libra devra surmonter un certain nombre d’obstacles pour représenter une réelle menace pour l’industrie des services financiers.

24.06.2019
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Facebook a annoncé la semaine dernière le lancement courant 2020 de Libra, son projet de cryptomonnaie, lui conférant le statut de première entreprise d’envergure à proposer cette technologie au grand public.

A ce stade, nous ne pensons pas que cette annonce représente une menace significative pour le rempart concurrentiel des entreprises du secteur des services financiers.

Libra s’appuiera sur la blockchain. Elle sera pilotée par un consortium, Facebook en assurant le leadership jusqu’à la fin de l’année 2019, suite à quoi les partenaires auront une voix égal au sein du projet.

Libra s’appuiera sur une « collection d’actifs de faible volatilité, tels que des dépôts bancaires et des titres de dette gouvernementale de court terme libellés dans des devises émises par des banques centrales stable et reconnues. »

Cette situation est très différente de Bitcoin, qui ne repose sur aucune devise, expliquant pour partie la grande fluctuation de cette cryptomonnaie.

Facebook fait le pari que Libra sera relativement stable, même si elle ne peut le garantir à 100%.

L’objectif de Facebook est de s’adresser au marché qui n’est pas bancarisé. Le projet vise également les transactions transfrontalières.

A ce stade, toute prévision concernant Libra relève surtout de la pure spéculation. Il est trop tôt pour envisager comment cette cryptomonnaie évoluera à 5 ou 10 ans. Cela dépendra en grande partie de sa popularité future et de sa capacité à atteindre une masse critique pour la gestion des transactions.

En ce qui concerne le potentiel de rupture créé par Libra pour l’industrie des services financiers, il faut noter l’existence de nombreux obstacles.

Pour le secteur bancaire, l’objectif de Libra est de proposer une solution aux usagers ne disposant pas d’un compte bancaire ou n’ayant pas accès à un réseau bancaire. La menace n’est donc pas tangible à ce stade.

Bien sûr, à partir d’une certaine taille, il n’est pas difficile d’imaginer qu’un tel service peut malgré tout représenter une menace.

Il faut toutefois se rappeler que le secteur bancaire étant fortement régulé, le premier défi sera que les régulateurs des différents pays verront sans doute d’un mauvais œil qu’un nombre croissant de transactions passent par des plates-formes non régulées et non contrôlées.

L’autre défi concerne le respect de la réglementation sur le blanchiment d’argent ou les règles de connaissance des clients. Le papier blanc de Facebook mentionne ces sujets et évoque la volonté de respecter la réglementation et de coopérer avec les autorités. Mais quelles autorités ?

Facebook aurait engagé une discussion avec la Réserve fédérale américaine avant le lancement de Libra, mais peu de détails ont transpiré de ces échanges.

Un autre défi concerne la montée des interrogations des régulateurs lié au pouvoir croissant des réseaux sociaux et des plates-formes Internet, bien antérieur à l’annonce de Libra.

Nous nous demandons en outre dans quelle mesure les utilisateurs de Facebook vont faire confiance au réseau pour opérer une partie de leurs transactions financières, au regard des problèmes de protection des données personnelles.

Nous avons du mal à voir comment des utilisateurs ayant déjà accès à des services bancaires vont utiliser Libra pour traiter une part conséquente de leurs transactions financières.

A moins que Facebook n’adopte un jour le statut de banque, avec une offre de services plus complète, il nous semble que les banques demeureront longtemps au cœur de l’accès aux services financiers.

En outre, la plupart des banques ont déjà largement investi l’univers de la Blockchain et proposent pour certaines leur propre monnaie virtuelle (JPM Coin), même si ces offres sont pour le moment limitées aux clients professionnels.

Pour l’industrie des paiements, nous ne voyons pas d’impact significatif lié à l’introduction de Libra. En l’occurrence, Visa et Mastercard sont partenaires du projet.

Ces deux plates-formes bénéficient d’un effet réseau conséquent, puisqu’elles traitent conjointement 17 billions (17.000 milliards) de dollars de transactions et il est difficile de voir Libra atteindre une taille équivalente à un horizon proche.

A un horizon plus lointain, nous pensons que remplacer le système de carte bancaire et d’autres acteurs dans leur écosystème dépendra du développement d’une solution tout autant omniprésente, bon marché et sûre.

Nous pensons que la société la plus directement menacée est Western Union, Libra pouvant devenir une solution efficace de transfert d’argent à l’international. Ce marché est suffisamment petit pour que l’introduction de Libra crée une différence notable.

 

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