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Baisse des taux : l’erreur de la Fed ?

Des voix s’inquiètent du revirement de politique monétaire alors que l’économie américaine se porte encore bien. La Fed est toujours sous l’emprise des marchés.

Jocelyn Jovène 29.07.2019
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Alors que la Réserve fédérale américaine s’apprête à annoncer une baisse de son taux directeur de 25 points de base, mettant un terme à la phase de resserrement engagée depuis décembre 2015, certains observateurs se demandent si elle ne commet pas une erreur et s’inquiètent des conséquences pour l’économie et les marchés financiers.

Dans un commentaire publié ce lundi 29 juillet, Scott Minerd, directeur des investissements chez Guggenheim Partners, estime que la Fed « devrait remonter ses taux, pas les baisser. »

L’économie américaine est en effet en croissance (2,1% au cours du deuxième trimestre selon le Bureau of Economic Analysis), le taux de chômage se situe à des plus bas historiques (3,7%, niveau pas vu depuis 1969), l’inflation est modérée (1,7% en juin en glissement annuel).

Un tel contexte ne justifie aucunement une baisse du taux directeur de la Fed.

Cette décision de baisser les taux reflète un brutal revirement de posture de la banque centrale américaine amorcé en décembre dernier. La Fed était alors soumise à la pression des marchés financiers, en chute libre fin 2018 (mais qui ont opéré un beau rebond depuis avec un gain d'environ 20% de la Bourse américaine), à celle de Donald Trump, et des incertitudes sur le moral des agents économiques liées à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.

« Une nouvelle posture accommodante à un stade aussi avancé du cycle devrait conduire à une hausse du prix des actifs comme cela fut le cas en 1998, lorsque la Fed baissa ses taux de 75 points de base en pleine crise financière en Asie, avant devoir changer de direction et relever ses taux courts au plus haut du cycle », souligne Scott Minerd.

Le vrai danger selon cet observateur est qu’au moment où une récession interviendra, les taux devront être conduits en territoire négatif (baisse de l’ordre de 5,25 points de pourcentage par rapport au niveau actuel, sur la base des récessions passées), comme actuellement en Europe, et des injections de liquidités estimées à 5 billions de dollars (5.000 milliards de dollars) seront nécessaires.

Le bilan de la Fed est actuellement de 3.803 milliards de dollars, soit 20% du PIB américain (19.024 milliards de dollars). Seule la Banque du Japon fait "mieux" à ce stade.

Dans son dernier mémo publié vendredi 26 juillet, Howard Marks, patron du fonds d’investissement Oaktree Capital, se pose la même question : « est-ce le travail de la Fed de soutenir les expansions et d’éviter la dislocation des marchés ad infinitum ? », allant jusqu’à se demander s’il n'est pas préférable de laisser une récession se produire « naturellement » ou de chercher à la reporter de manière artificielle (« unnaturally »).

Selon Marks, le risque est aujourd’hui qu’un stimulus monétaire soit contreproductif.

La situation sur les marchés montre d’ailleurs une certaine nervosité. Si les Bourses mondiales progressent, le S&P 500 ayant battu un record historique il y a quelques semaines, les taux longs sont au plus bas et le risque d’inversion de la courbe des taux d’intérêt, considéré comme annonciateur d’une récession, est toujours réel.

La hausse des marchés est d’ailleurs tirée par deux choses : la revalorisation des multiples de valorisation et les rachats d’actions ; le moteur plus fondamental, la croissance des profits, est de plus en plus faible.

Selon les données du consensus reprises par le cabinet de recherche Yardeni, les analystes attendent aux Etats-Unis une contraction de 1,5% des profits des entreprises américaines sur un an mais espèrent toujours un renversement de tendance d’ici la fin de l’année et un rebond de 11,5% en 2020.

Un chiffre trop optimiste qui devra lui aussi être revu à la baisse, avertissaient les économistes de Goldman Sachs dans une étude datée du 1er juillet.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.