Quel changement de situation ! Fin 2018, la sinistrose, les inquiétudes sur l’économie mondiale et sur le resserrement de la politique monétaire de la Fed avaient provoqué une correction des marchés actions, à travers une chute des multiples de valorisation.
L'expanion des multiples en tête
2019 a été l’exact opposé : les actions européennes (et mondiales), aidées par l’attitude redevenue plus accommodande des banques centrales, ont fortement rebondi.
L’indice Stoxx Europe 600 enregistre un gain d’environ 22% (au 28 novembre 2019), aidé uniquement par la hausse des multiples de valorisation (+22%), tandis que la croissance estimée des profits des entreprises européennes a été quasi nulle.
Source: Morningstar
Cette hausse des Bourses européennes est d’autant plus surprenante que les marchés obligataires, mais également l’or, plutôt vu comme un indicateur d’inquiétude des investisseurs, ont progressé eux aussi (voir l’analyse de Chuck de Lardemelle chez IVA).
Sans oublier les flux hors des fonds actions européennes observés tout au long de l’année ainsi que la sous-pondération de la classe d’actifs dans les allocations.
Deux scénarios macro
Qu’en sera-t-il en 2020 ? Alors que le cycle économique mondial n’en finit plus de s’allonger, les incertitudes autour du commerce mondial et la guerre commerciale entre Etats-Unis et Chine risquent de jouer un rôle non négligeable quant à l’attitude des investisseurs vis-à-vis des actifs risqués.
Au même moment, le rendement des actifs obligataires ne cesse de reculer, avec environ un quart du stock mondial de dette souveraine générant un rendement négatif. La quête de rendement reste donc toujours d’actualité.
Les investisseurs sont confrontés à deux scénarios jugés possibles à ce stade : une récession modérée aux Etats-Unis (probabilité de 30-40% selon la Réserve fédérale de New-York), ou une poursuite de l’environnement de croissance molle aidée par l’attitude bienveillante des banquiers centraux.
Quoi qu’il arrive, l’environnement des taux d’intérêt, faute de surprise sur l’inflation, devrait continuer de pousser les investisseurs à chercher du rendement, quitte à aller vers des classes d’actifs qui sont raisonnablement valorisées, et parfois chères (obligations souveraines notamment).
Cela alimente aussi un intérêt croissant pour les stratégies peu liquides, en particulier dans les marchés « privés » (private equity, dette non cotée) et l’alternatif (infrastructures).
Quelle place pour les actions européennes dans tout cela ? Les espérances de rendement sont modestes, si l’on en croit plusieurs courtiers.
Mais la classe d’actifs ferait sens d’un point de vue relatif (par rapport aux actions américaines notamment), car elle pourrait bénéficier d’un retour des flux (encore hypothétique à ce stade, mais l’humeur des investisseurs peut rapidement changer, en particulier si la croissance se maintient et que les incertitudes politiques – guerre commercial, Brexit, autre… restent en arrière-plan).
Vues des courtiers
Parmi les différents courtiers qui ont jusqu’ici présenté leurs perspectives pour 2020, on sent beaucoup prudence, en raison de deux éléments : la performance très solide, mais inattendue de 2019 ; et un manque de croissance des profits.
Les stratégistes d’UBS et de Société Générale anticipent par exemple une baisse de 6% à 7% de l’indice Stoxx Europe 600 l’an prochain, avec un objectif identique de 380 points. Les deux courtiers anticipent une contraction de respectivement 3,4% et 0,5% des profits, quand le consensus de marché se situe aujourd’hui autour d’une hausse de 8% à 10%.
Les stratégistes de Barclays sont un peu plus optimistes, espérant une progression de 5% du Stoxx Europe 600, sur la base d’une croissance de 5% des profits des entreprises.
Chez Goldman Sachs, on voit l’indice atteindre 420 points d’ici 12 mois (+3% sur le cours actuel), avec une progression des résultats des entreprises estimée à 3% l’an prochain et en 2021.
Europe vs US
Nous l’avons déjà souvent souligné ici, les actions européennes ont souvent manqué d’arguments pour faire mieux que les actions américaines : perspectives de croissance plus faibles, divergence sectorielles et de style (plus croissance aux Etats-Unis ; plus « value » en Europe), écarts de marges et de rentabilité qui persistent.
Comme en 2019, il est possible que le principal moteur de performance de la classe d’actifs soit le sentiment des investisseurs, avec une expansion des multiples de valorisation.
Le P/E à 12 mois de l’indice Stoxx Europe 600 est de 15x, certes au-dessus de sa moyenne historique depuis 2000 (13,8x), mais un engouement des investisseurs pour la classe d’actifs pourrait très bien l’amener sur des niveaux plus élevés.
Source: Morningstar
Un mot de prudence cependant : au cours actuel, l’indice intègre déjà un certain nombre de bonnes nouvelles. Selon Société Générale, l’indice « price » un PMI manufacturier en Europe de 55, ce qui veut dire qu’il anticipe une expansion soutenue de l’activité en Europe, alors que le PMI manufacturier est actuellement à 45,7).
De nombreux secteurs d'activité ont déjà bien rebondi, en particulier les plus défensifs ou offrant une bonne visibilité sur la croissance de leurs résultats (tableau).
Source: UBS
Il faudra donc que l’environnement économique et politique n’évolue pas dans le mauvais sens pour que les investisseurs continuent de privilégier la classe d’actifs. Un scénario prudemment optimiste en somme.
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