Beaucoup d’investisseurs vont sans doute se mordre les doigts de n’avoir pas été contrariants fin 2018, quand les marchés financiers terminaient l’année sur une correction boursière et que tous les acteurs s’inquiétaient du risque proche d’une récession.
2019 a été l’une des meilleures années pour les marchés financiers depuis le début du millénaire. Sans parler d’euphorie ou d’exubérance irrationnelle, on peut se demander si les investisseurs n’ont pas fait preuve d’un excès de confiance, voire de complaisance, dans un environnement de fin de cycle où la psychologie plus que les fondamentaux sont aux commandes.
Le « cru 2019 » a ceci d’original que toutes les classes d’actifs ont progressé, ce qui devrait conduire à se poser un certain nombre de questions sur sa viabilité.
Les marchés actions affichent des résultats pour le moins remarquables : l’indice MSCI World gagne 25,5%, porté en particulier par la santé insolente de la Bourse américaine (S&P 500 + 29% hors dividendes, NASDAQ Composite +36% !). Seule « exception », l’indice MSCI Emerging Markets ne gagne « que » 15% environ, mais cette performance masque des divergences fortes en pays.
Si les marchés actions ont très bien performé, il en a été de même des marchés obligataires, que ce soit les marchés de taux ou ceux du crédit. Le rendement à 10 ans des bons du Trésor recule de 92 points de base, le 2 ans de 82 points de base, le rendement à 10 ans du Bund baisse de 49 points de base et le 10 ans français de 66 points de base.
Sur les marchés du crédit, même tendance : l’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate gagne 4,1%, l’ICE BofAML Global Corporate (crédit global) progresse de 7,9% et l’indice haut rendement gagne 8,6%. Ils ont été aidés non seulement par la baisse des rendements obligataires, mais également par le repli des spreads de crédit (respectivement 56 et 166 points de base).
Depuis 2000, 2019 est la première année durant laquelle tant les marchés actions qu’obligataires progressent de concert.
Plus étonnant encore, l’or et les matières premières ont aussi profité de l’appétit des investisseurs. Le métal jaune affiche un gain de 18%, le pétrole bondit de 36% et l’indice S&P GSCI gagne près de 18%.
Seuls les indicateurs de volatilité, qui illustrent traditionnellement le rôle de thermomètre de l’aversion au risque, ont reculé de 47% et 49% (selon que l’on prend le VIX ou le VSTOXX).
L’explication de cette performance des marchés financiers n’est pas à mettre sur le compte de la santé de l’économie mondiale ou des fondamentaux des entreprises.
La croissance mondiale devrait se situer autour de 3% cette année, et devrait encore ralentir en 2020.
Les prévisions de résultats des entreprises n’ont cessé d’être revues à la baisse tout au long de 2019 et les prévisions pour 2020 sont, on le sait déjà, trop optimistes (attendues entre 8% et 9% selon les pays).
Elle est essentiellement liée à la psychologie des intervenants, qui ont fait preuve d’un regain d’optimisme alimenté non par les données réelles mais par l’action des banques centrales et d’une « levée » des incertitudes autour du risque politique, crystallisé par la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.
Ce sont en effet les tensions commerciales et l’incapacité à trouver un début d’accord qui ont été l’une des principales sources d’incertitude et de volatilité (en particulier au cours de l’été).
Ce sont aussi les déclarations des banquiers centraux qui ont accumulé les signes d’interventionnisme (relance du « quantitative easing ») et pesé sur l’évolution des rendements des actifs peu ou pas risqués.
Cette politique très accommodante a contribué à pousser les investisseurs vers les actifs risqués et la recherche de rendement, quitte à rendre plus populaire des stratégies souvent peu ou pas liquides (private equity, infrastructures, dette privée…), le tout pour disposer d’une alternative à un vivier d’actifs sans risque n’offrant plus de rendement, voire un rendement négatif.
Mesuré à l’aune de l’histoire, les moteurs de cette performance des marchés financiers ne semble guère soutenable.
L’économie devra bien à un moment connaître une phase de ralentissement plus marqué voire de récession et les banques centrales devront retrouver des munitions pour intervenir quand le cycle n’ira plus dans le bon sens.
Combien d’investisseurs s’interrogent-ils de cet état de fait ? Le début de l’année 2020 donnera le ton. Mais il est à parier (ou à craindre) que compte tenu de la fin d’année particulièrement positive sur les marchés financiers, ces derniers ne poursuivent sur leur lancée pendant quelques temps encore.
Comme toujours, la correction viendra quand on s’y attendra le moins.
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