Tesla : le prix de la perfection

L'entreprise affiche des multiples de valorisation qui ne laissent aucune marge d'erreur.

Jocelyn Jovène 04.02.2020
Facebook Twitter LinkedIn

Tesla 1724773 1920

En Bourse, Tesla fait l'objet d'une véritable adulation.

Le fabricant de voitures électriques, de panneaux solaires et de solutions de stockage d’électricité, voit son cours de Bourse bondir de 89%.... depuis le début de l’année, affichant désormais une capitalisation boursière de près de 141 milliards de dollars.

Seul Toyota Motor fait mieux avec 197 milliards de dollars, mais c’est à se demander pour combien de temps (Volkswagen ou General Motors affichent respectivement 91 et 48 milliards de dollars de capitalisation en Bourse…).

La raison de l’accélération de la hausse récemment serait l’annonce par Panasonic, partenaire de Tesla dans la production de batteries, d’une amélioration sensible de ses résultats.

Le plus difficile pour les investisseurs est d’arriver à faire la part des choses entre les bonnes nouvelles et à quel point elles sont intégrées dans le cours de Bourse.

Tesla n’a produit que 365.000 véhicules en 2019. La société a indiqué la semaine dernière avoir atteint un rythme de croisière de 415.000 véhicules sur la base des données du quatrième trimestre. C'est bien, mais il y a encore beaucoup à faire pour faire de Tesla un acteur de référence de l'industrie automobile.

Même si l’entreprise a pris de vitesse l’ensemble de l’industrie automobile et qu’elle est la mieux établie sur le créneau du segment automobile considéré le plus prometteur, compte tenu des préoccupations des consommateurs et de la pression des régulateurs, Tesla n’a pas le droit à l’erreur.

Au cours actuel, le titre capitalise 91 fois les résultats attendus à 12 mois, ce qui traduit un très grand optimisme, voire une forme d’exubérance (ce que l’on appelle en anglais le « blue sky scenario »).

Les derniers résultats de l’entreprise ont sans doute conforté la position des plus optimistes. Tesla a ainsi dégagé un flux de trésorerie disponible de 1 milliard de dollars en 2019, grâce à un bon quatrième trimestre, mais cela s’explique pour partie parce que les dépenses d’investissement ont diminué de 2,1 milliards de dollars en 2018 à 1,3 milliard en 2019.

De même, si le positionnement « vert » de la société ne fait pas de doute pour de nombreux investisseurs, Sustainalytics assigne à l’entreprise un score de risque ESG élevé (31,4), qui est lié à la fois à la gouvernance de l’entreprise et à la gestion de son cycle de produits.

Si Tesla a amélioré sa génération de trésorerie et semble en mesure de faire croître sa production automobile, la société doit dégager d’importantes économies d’échelle pour continuer de générer encore plus de trésorerie et réduire sa dette (7,3 milliards de dollars).

Pour l’heure, Elon Musk, directeur général de la société, a exclu de faire appel au marché pour renforcer ses fonds propres – une position qui n’est tenable que si la génération de « cash » continue de s’améliorer.

En outre, si Tesla est un pionnier incontesté de la voiture électrique, il n’est leader que sur le marché américain. En Europe ou en Chine, Tesla doit faire face à l’électrification de la gamme des constructeurs « historiques ».

Enfin, le marché du véhicule électrique, s’il croit rapidement, ne représente toujours qu’une fraction du marché automobile mondial.

En 2019, on estime à 2,45 millions le nombre de véhicules électriques vendus dans le monde, soit 2,6% du marché automobile mondial (contre 550.000 environ en 2015 et 0,6%).

Face à l’envolée du cours de Bourse de Tesla, il semble que les investisseurs préfèrent ignorer ces éléments et semblent prisonnier d’un biais de confirmation.

Toute bonne nouvelle qui conforte l’idée que Tesla est l’action à détenir en ce moment contribue à la flambée boursière du titre.

Tout ce qui devrait conduire à plus de réflexion est relayé au second plan. Pour le moment.

A de tels niveaux de valorisaiton, une chose est sûre : les dirigeants de Tesla n’ont plus le droit à l’erreur et vont devoir tenir les objectifs qu’ils communiqueront au marché.

 

© Morningstar, 2020 - L'information contenue dans ce document est à vocation pédagogique et fournie à titre d'information UNIQUEMENT. Il n'a pas vocation et ne devrait pas être considéré comme une invitation ou un encouragement à acheter ou vendre les titres cités. Tout commentaire relève de l'opinion de son auteur et ne devrait pas être considéré comme une recommandation personnalisée. L'information de ce document ne devrait pas être l'unique source conduisant à prendre une décision d'investissement. Veillez à contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute décision d'investissement.

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.