La manière dont les géants du secteur financier exercent leur droit de regard sur la gouvernance influence la santé des marchés de capitaux et de la planète.
Dix ans après la crise financière, l’investissement passif a bouleversé le secteur de la gestion d’actifs et la structure actionnariale des entreprises.
Tour d’horizon du rôle des gérants dans le mouvement mondial pour une bonne gouvernance.
Voter pour défendre la durabilité
Une part non négligeable des droits de vote des grandes entreprises est entre les mains des « Big Three » : BlackRock, State Street et Vanguard. Ces gestionnaires d’actifs figurent sur le podium parce que les stratégies indicielles profitent souvent de leur caractère précurseur et de leur pratique des économies d’échelle.
Parce qu’ils possèdent un pouvoir colossal en termes de droits de vote, ces trois « propriétaires universels permanents » peuvent très fortement influencer les principes de gouvernance qui sous-tendent des pratiques durables.
Les grands établissements financiers qui proposent des stratégies passives, à l’instar des Big Three, ont plus que jamais intérêt à le faire. De fait, ils réagissent à la demande croissante des investisseurs, mais aussi aux preuves du rôle des facteurs environnementaux et sociaux dans la bonne santé d’un portefeuille.
La réglementation favorise la bonne conduite
En droit boursier américain comme européen, les investisseurs sont au cœur du suivi et de l’évolution des pratiques de gouvernance.
Depuis la crise financière 2008, les régulateurs des marchés financiers accordent une importance croissante à la responsabilité des investisseurs en tant qu’actionnaires actifs.
Quelques exemples concrets :
- les codes de bonne gouvernance se sont multipliés,
- la collaboration des investisseurs aux initiatives de bonne gouvernance des actifs, notamment pour les questions environnementales et sociales, est désormais mondiale et très élaborée,
- les États-Unis comme l’Europe ont conçu des contextes réglementaires porteurs.
Ces évolutions mettent en avant le rôle des sociétés fiduciaires dans la bonne gouvernance. Elles montrent comment le vote et le dialogue (ou l’engagement) avec les conseils d’administration et de la direction contribuent à la bonne gestion des risques sociaux et environnementaux.
Les gérants d’actifs sont-ils bons en gouvernance ?
De plus en plus de travaux scientifiques cherchent à savoir si la montée en puissance de l’investissement passif peut se traduire par un accroissement de la supervision des investisseurs.
Cela pourrait être le cas parce que les gérants qui proposent des fonds passifs :
- se positionnent sur des pans entiers du marché actions et s’exposent donc au risque systémique,
- peuvent s’appuyer sur la taille de leur portefeuille pour influencer la gouvernance des entreprises et limiter ces risques, et
- peuvent bâtir une marque basée sur l’action sociale et environnementale.
D'un autre côté, cela n'est pas certain car les gérants passifs :
- sont confrontés à la pression des coûts,
- sont incités à limiter les dépenses liées à la gouvernance, et
- peuvent être malmenés sur le plan politique ou économique pour s’être opposés à la direction de l’entreprise.
Pour l’heure, les recherches sur les Big Three montrent que ces géants financiers pourraient en faire davantage (même si BlackRock s’est récemment engagé à faire des critères ESG une priorité).
Historiquement, ils votent de façon passive : ils suivent les recommandations de la direction, surtout sur les questions environnementales et sociales soumises par les actionnaires.
Pour obtenir des résultats, les Big Three préfèrent l’engagement ou le dialogue avec les entreprises dont ils sont actionnaires plutôt que le vote. L’engagement est un vecteur fort de bonne gouvernance, mais comme il se fait sous forme d’échanges en privé, il est difficile à apprécier de l’extérieur. En outre, certains affirment que l’engagement doit compléter le vote, et pas s’y substituer.
Comment améliorer l'efficacité de la gouvernance ?
Nous avons étudié les codes de bonne gouvernance et l’actualité réglementaire, les travaux universitaires sur la gouvernance et la gestion d’actifs, ainsi que la coalition Climate Action 100+, un modèle d’engagement collaboratif des investisseurs sur le changement climatique.
Nos recherches ont mis en lumière deux grandes stratégies de mobilisation des investisseurs passifs :
- La collaboration avec d’autres investisseurs sur des enjeux liés aux ESG, ce qui permettrait de réduire le coût de l’engagement actif, d’amplifier l’impact et d’accroître la visibilité des contributions des gérants.
- Une plus grande transparence sur les engagements. Un renforcement des règles de communication des engagements permettrait aux investisseurs finaux d’évaluer l’impact, donc d’utiliser la bonne gouvernance comme critère de sélection d’un fonds.
Au-delà des Big Three, de plus en plus de grands gestionnaires d’actifs prennent ouvertement position pour demander une action coordonnée des investisseurs pour accélérer la transition vers une économie sobre en carbone.
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