Alors que l’on commence à peine à mesurer les effets de la pandémie de Covid-19 sur l’économie mondiale, les marchés actions l’ont digéré à une vitesse hors du commun.
Entre le pic des marchés du 19 février et leur point bas du 23 mars, les actions mondiales ont perdu 33%. Depuis, le rebond est de 23%, mais il atteint près de 27% aux Etats-Unis, +17% en France et +20% en Europe.
Dans le même temps, durant cette phase de rebond, le rendement des obligations américaines à 2 ans et 10 ans a reculé de respectivement 9 et 12 points de base. En Europe, le rendement du Bund à 2 ans et 10 ans recule également de respectivement 7 et 21 points de base.
En dehors de l’Italie, dont le rendement 10 ans a progressé de 18 points de base, reflet des incertitude sur le sort des finances publiques italiennes – grandement modéré par l’action de la BCE. La France semble toujours considérée comme une valeur « sûre », le spread avec l’Allemagne étant modéré à 49 points de base (même s’il a légèrement augmenté depuis la fin de l’année 2019, où il n’était que de 31 points de base).
Le marché du crédit a également rebondi (+9,5% pour l’indice ICE BofA Global Corporate).
Le krach boursier aux Etats-Unis mis en perspective
Le rebond des marchés actions est d’autant plus surprenant que la croissance de l’économie mondiale était déjà sur une tendance de croissance molle depuis plusieurs années et que les niveaux de valorisation étaient relativement tendus (ou au mieux à leur moyenne historique), faisant de la croissance des profits le principal moteur de la hausse des actions.
La pandémie de coronavirus laisse aujourd’hui entrevoir une contraction des économies et des profits à deux chiffres, ainsi qu’une envolée des niveaux d’endettement et de grandes incertitudes sur la manière dont les plans de relance nécessaires seront financés.
Il n’est en aucun cas certain que l’économie mondiale retrouvera les niveaux d’avant-crise l’an prochain. Dans certains secteurs d’activité parmi les plus touchés par la pandémie, le retour à la normale n’interviendrait au mieux que dans deux ans, aux dires de certains acteurs (transport aérien/aéronautique).
Les Bourses mondiales semblent n’en avoir cure. Il y a dès lors deux façons de « lire » ce rebond : le marché anticipe une sortie de récession plus rapide que prévu et n’intègre cette pandémie que comme un risque passager que l’on arrivera à traiter (médicament puis vaccin).
Ou alors, les investisseurs sont pris dans des biais de confirmation (ils ne considèrent que les nouvelles justifiant la hausse, comme les avancées médicales ou le reflux du nombre de cas de coronavirus) et de surréaction. Quant à prendre en compte les conséquences économiques de la crise (récession majeure) ou l’impact des mesures de déconfinement (deuxième vague d’épidémie ?), cela semble remis à plus tard.
L’histoire montre cependant que des phases de rebond rapide et vif ont parfois été le prélude à des corrections plus longues et douloureuses.
Sans préjuger de ce qui pourrait advenir dans les semaines et mois qui viennent, Solomon Tadesse, stratégiste chez Société Générale, rappelle qu’après le krach boursier de 1929, le marché avait rebondi de 47%. Le marché fut ensuite pris dans une tourmente baissière qui durant d’avril 1930 à juin 1932, durant laquelle la Bourse américaine chuta de 83%.