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Wirecard : le marché s’attend au pire

L’opacité des comptes et l’absence d’information font fuir les investisseurs.

Jocelyn Jovène 22.06.2020
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Les investisseurs sont les témoins de la chute d’une star européenne des technologies de paiement.

Wirecard, société spécialisée dans le traitements des transactions financières en ligne, n’est plus que l’ombre d’elle-même que son commissaire aux comptes a annoncé ne pas être en mesure de confirmer l’existence ou pas de 1,9 milliard d’euros de liquidités dans les comptes de l’entreprise, soit environ un quart du total de bilan.

Mise en cause par de nombreux articles de presse depuis plusieurs mois, notamment à travers les enquêtes fouillées du Financial Times, la société n’a toujours pas été en mesure de publier ses comptes 2019.

La non publication des comptes avant le 19 juin met à mal l'accès à 2 milliards d'euros de prêts de la part des banques. Wirecard a indiqué vendredi soir être en "discussions constructives" avec ses banques créancières à ce sujet.

Elle a annoncé également annoncé le départ de son PDG, Markus Braun, qui pouvait difficilement justifier sa position après avoir nié toute irrégularité comptable (même si rien à ce stade ne semble le lier directement aux incertitudes comptables de la société).

Le titre était déjà très volatil après avoir atteint un plus haut de 195,75 euros le 3 septembre 2018. Attaqué dès 2016 par des vendeurs à découvert, les interrogations sur les pratiques financières et comptables de l'entreprise n'ont cessé d'enfler.

Les dernières annonces de la société ont amené le cours à 25,82 euros vendredi 19 juin, après avoir vu 75% de sa valeur boursière disparaître en deux jours. 62% du capital de la société a changé de main durant les deux séances de Bourse.

Performance de Wirecard par rapport au marché européen et au DAX

Wdi vs morningstar europe vs dax last 5Yrs 20200619

Source: Morningstar Direct, données sur 5 ans au 19 juin 2020

Wirecard ne vaut désormais plus que 3,2 milliards d'euros en Bourse, mais il n'est pas certain que le plus bas ait été atteint.

A l'évidence, le titre va demeurer volatil, tant que l'on n'en saura pas plus sur l'existence réelle ou pas des 1,9 milliard d'euros de trésorerie que la société est sensée détenir. Car s'ils ne devaient pas être réels, le profil financier de l'entreprise changerait du tout au tout.

Selon les comptes disponibles à fin 2018 (en supposant qu'ils soient fidèles à la réalité économique de l'entreprise), Wirecard disposait de 2,9 milliards de liquidités pour 1,5 milliard de dettes financières. Fin 2018, sa capitalisation boursière atteignait 16,4 milliards d'euros. La question de la dette et de la solidité financière de l'entreprise n'était donc pas en question.

Aujourd'hui, la société a une capitalisation boursière de 3,2 milliards d'euros. Sur la base des comptes du troisième trimestre 2019, Wirecard affichait une position nette de trésorerie de 870 millions d'euros (2,3 milliards de trésorerie, 1,8 milliard de dettes et 384 millions d'euros d'actifs financiers de long terme).

Si l'on retraite des 1,9 milliard d'euros de "cash" manquant et une possible demande de remboursement des 2 milliards de prêts bancaires, la situation financière de l'entreprise devient extrêmement fragile.

D'où la chute du cours de Bourse, totalement justifiée de ce point de vue.

Deux questions majeures émergent dès lors: quelle est la vraie situation financière de l'entreprise ? Quelle est la réalité des profits qu'elle génère.

Pour l'heure, les analystes sont dans le flou le plus total. Preuve en est: les estimations de bénéfice par action ont à peine été revues à la baisse.

Pour 2021, le consensus table sur un bénéfice par action de 7,22 euros, contre 7,78 euros fin 2019. Sur cette estimation, l'action vaudrait 3,6 fois les résultats (elle vaut 4,8 fois les résultats prévus à 12 mois par le consensus).

Dans une industrie en croissance structurelle, portée par le boom de la dématérialisation des moyens de paiement et du commerce en ligne, cette situation est aberrante.

Avant être mise en difficulté, Wirecard se payait entre 20 et 30 fois les résultats attendus à 12 mois. La plupart de ses rivaux se traitaient alors (et encore aujourd'hui) à plus de 35 fois les résultats attendus - multiples qui sont plus proches de 38 à 49 fois les résultats, sans parler des multiples de respectivement 154 et 363 fois pour Adyen et Square.

Les investisseurs semblent donc faire preuve d'attentisme.

Vu l'ampleur des problèmes révélés ces derniers jours, certains ont joué la prudence et ont vendu leurs actions. Une décision qui semble raisonnable même si elle coûte cher, en attendant d'y voir plus clair.
 

© Morningstar, 2020 - L'information contenue dans ce document est à vocation pédagogique et fournie à titre d'information UNIQUEMENT. Il n'a pas vocation et ne devrait pas être considéré comme une invitation ou un encouragement à acheter ou vendre les titres cités. Tout commentaire relève de l'opinion de son auteur et ne devrait pas être considéré comme une recommandation personnalisée. L'information de ce document ne devrait pas être l'unique source conduisant à prendre une décision d'investissement. Veillez à contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute décision d'investissement.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.