Les déconvenues s’accumulent chez Credit Suisse

Un nouvel incident interroge la culture de gestion des risques de la banque et la pénalise boursièrement.    

Johann Scholtz, CFA 31.03.2021
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Credit Suisse Building

Avec une fréquence remarquable, Credit Suisse (« Narrow Moat ») se retrouve à la une de la presse financière pour les mauvaises raisons.

Mardi 30 mars, la banque a lancé un avertissement sur ses résultats, indiquant qu'il existe un risque que son exposition à un hedge fund puisse avoir un impact « très significatif et matériel » sur ses résultats du premier trimestre 2021.

Le Financial Times rapporte que la perte attendue pourrait atteindre 4 milliards de dollars et que la contrepartie est un family office, Archegos Capital.

Cette annonce fait suite aux révélations concernant l’exposition de la banque à Greensill Capital.

Sur la base des informations limitées actuellement disponibles, nous maintenons notre estimation de la juste valeur à 15,50 Francs Suisses (CHF), mais il semble que nous devrons probablement la réduire à mesure que de plus amples informations seront disponibles.

Nous soulignons que nous avons récemment augmenté notre évaluation du risque du titre à « très élevé » pour tenir compte des défaillances de Credit Suisse en matière de de gestion des risques.

Ce dernier faux pas renforce notre opinion selon laquelle les problèmes de Credit Suisse ne sont pas seulement des problèmes hérités du passé, mais qu'il existe un problème institutionnel plus profond qui doit être résolu.

Si les rapports s'avèrent corrects et que le Credit Suisse doit subir 4 milliards de dollars de pertes, notre estimation des bénéfices avant provisions pour 2021 à 5 milliards CHF devrait suffire à en absorber le coût, en plus des 890 millions de CHF que nous prévoyons pour les pertes sur créances douteuses.

Cela n'inclut cependant pas les frais de litige importants que nous attendons au regard de l'affaire Greensill Capital.

Nous estimons que Credit Suisse dispose d'un excédent de capital d'environ 7 milliards de francs.

Pour autant que les pertes soient limitées aux chiffres évoqués dans la presse, le capital du Credit Suisse devrait donc être relativement à l’abri, mais nous pensons que les dividendes et les rachats d'actions prévu en 2021 seront menacés.

L'effet de levier total accordé aux activités du family office Archegos était apparemment sensiblement plus élevé que l'effet de levier typique d'un fonds d'actions long/short.

Cela est très déroutant étant donné que le portefeuille d'Archegos était déjà très concentré dans quelques positions seulement - dont la plupart semblent être dans les secteurs de la technologie et des médias américains et asiatiques.

Archegos est un family office, pas un hedge fund, ce qui signifie qu'il y a encore moins de surveillance réglementaire que ce qui aurait été le cas pour un hedge fund standard. On ne peut pas non plus ignorer le fait que le gestionnaire du fonds Archegos a été condamné à une amende pour délit d'initié en 2012 et que de certaines banques ont mis plusieurs années à accepter de travailler avec lui.

Le couple risque/rendement du titre ne justifie plus selon nous la présence du titre sur notre liste de valeurs préférées.

Nous continuons de croire que les activités sous-jacentes, en particulier les activités de banque privée, offrent de bons fondamentaux avec une rentabilité et des perspectives de croissance supérieures à la moyenne, nous pensons que les défaillances continues dans la gestion des risques font qu'il est peu probable que Credit Suisse parvienne à réduire la décote de valorisation par rapport à ses concurrents.

Il serait sans doute temps de s’interroger sur la pertinence de se fixer des objectifs agressifs en matière de réduction des coûts.

Nous notons toutefois la dure réalité est qu'il est impossible pour de nombreuses banques d'investissement européennes de générer une rentabilité de milieu de cycle supérieure à leur coût du capital dans de nombreuses, sinon la plupart, des offres de produits et de services standard.

L'envie de prendre des risques supplémentaires doit parfois se révéler trop forte pour certaines de ces institutions.

 

 

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Credit Suisse Group AG  

A propos de l'auteur

Johann Scholtz, CFA  est analyste actions chez Morningstar.