Atos : un rebond boursier incertain

En entretenant le flou sur sa stratégie de moyen terme, le nouveau dirigeant n’est pas en mesure de rassurer les investisseurs.

Jocelyn Jovène 01.03.2022
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Après une série d’avertissements sur résultats, le groupe de services informatiques Atos a finalement publié ses résultats annuels marqués par de lourdes pertes.

Par-delà un communiqué de presse sibyllin, la situation d’Atos n’est guère brillante et pas près de s’améliorer.

Prévisions 2022 décevantes

Et l’on peut se demander si son conseil d’administration a fait le bon choix en nommant à sa tête un dirigeant n’ayant aucune expérience du secteur, arrivant à la tête d’une entreprise pour le moins complexe.

« Atos a connu une année décevante, avec un repli des ventes, des marges fortement affaiblies et une série de dépréciations décidées par le nouveau directeur général. Bien que cela fut préannoncé, les prévisions pour 2022 sont en-deçà des attentes, le dividende sera nul et nous n’avons pas eu beaucoup de détails du plan de redressement », observent les analystes de JPMorgan dans une note datée du 28 février.

Le marché vient d’ailleurs de faire comprendre clairement ce qu’il pense des objectifs financiers pour 2022, en attendant le plan 2023-2025 qui sera présenté en mai prochain : le titre plonge de plus de 15%, et perd désormais 54% sur un an et 64% sur 5 ans.

Rodolphe Belmer, nouveau patron venu d’Eutelsat (dont le cours a perdu 62% sous sa direction entre le 1er mars 2016 et le 31 décembre 2021) et de Canal+, a la lourde charge de redresser le navire – 10,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, une marge opérationnelle de 3,5% (-550 points de base sur un an).

Peu de détails

Premier constat : un communiqué de presse particulièrement « léger » quant aux explications données sur la baisse des marges. Atos entretient le flou sur la « réévaluation inattendue des coûts futurs d’un grand contrat de services financiers dans le domaine du BPO au Royaume-Uni. » On n’en saura guère plus.

Il en va de même des explications sur l’évolution des marges par marchés clients ou zones géographiques. Par exemple, l’activité « Santé & Sciences de la vie » voit son chiffre d’affaires croître de 1,8%, la marge opérationnelle recule de 28%. Aucune explication là encore.

Deuxième constat : le manque de cohérence entre « la transformation (…) pleinement enclenchée » (on se demande comment puisque le nouveau DG vient d’arriver) et le reporting.

Rodolphe Belmer annonce une organisation sur 3 segments d’activité : « Tech Foundations », division fourre-tout qui regroupe les activités les plus intensives en capital (« Data Center & Hosting », « Digital Workplace », « Unified Communications & Collaboration », « Business Process Outsourcing »), « Digital » « Big Data & Security ».

Or impossible de savoir ce que chaque activité représente en termes de revenu, de marge opérationnelle ou de rentabilité du capital (une notion absente du vocabulaire du dirigeant). Il faudra attendre le mois de mai pour le savoir…

Cherry Picking

Troisième constat : bien qu’audités, les états financiers complets d’Atos sont introuvables pour l’instant. Le groupe fait donc du « cherry picking » en ne donnant qu’un ensemble très limité d’informations sur les états financiers (pas de bilan par exemple).

Vu les difficultés de l'entreprise, faire preuve de plus de transparence aurait sans doute donné le sentiment d'une démarche plus responsable et aurait sans doute contribué à atténuer la réaction de la Bourse.

Quatrième constat : Atos évoque l'exercice 2022 comme d’une année « charnière », sachant que son activité et sa rentabilité vont se détériorer au cours du premier semestre avant de peut-être se redresser au cours du second.

Mais là encore, l’amélioration de la génération de flux de trésorerie disponible « dépendra dans une large mesure du niveau de marge opérationnelle et des fluctuations du besoin en fonds de roulement. »

Nombreux paramètres

Or ne serait-ce qu’au niveau de la marge opérationnelle, le groupe communique une fourchette large (200 points de base) contre historiquement une fourchette plutôt autour de 50 points de base.

Sur ce point, de nombreux paramètres semblent jouer (restructuration du BPO, capacité à passer des hausses de tarifs pour absorber les hausses de salaires…). Et pourtant le flou demeure.

Le flou demeure également sur les cessions d’actifs. L’absence de nouvelle sur ce point explique aussi la déception des investisseurs et la chute du titre.

« Ces guidances (sic) décevantes mettent en lumière les difficultés de retourner rapidement un groupe de services IT exposés à des activités legacy (sic) en décroissance, dans un contexte inflationniste », note Nicolas David, analyste chez Oddo BHF.

Pour sa part, Laurent Daure chez Kepler espère dans une note que cette « prévision 2022 est suffisamment basse pour éviter de nouvelles déceptions. »

De son côté, Exane n’est guère plus amène : « avec un groupe qui a du mal à générer un free cash-flow positif, se débat pour retrouver une dynamique commerciale plus positive et pourrait nécessiter de nouvelles restructurations, nous pensons que de nombreuses incertitudes demeurent et croyons que le titre restera sous pression. »

En résumé, pour les actionnaires d’Atos qui pensaient être au bout de leurs peines, rien n’est visiblement terminé.

D’un point de vue boursier, la société de services informatiques apparaît comme un groupe aculé, en difficultés financières et dont le capitaine ne semble pas faire preuve pour l’instant d’une grande capacité à rassurer.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.