Aswath Damodaran, célèbre professeur de finance de l’Université Columbia de New-York, ne porte pas l’ESG dans son cœur et il vient une fois de plus de le démontrer.
Après avoir déjà ouvertement critiqué l’ESG, il a tout récemment lancé une nouvelle salve sur le sujet, déclarant : « Je crois que l'ESG est, à la base, une arnaque sous couvert de bienséance qui enrichit les consultants, les fournisseurs de données et les sociétés de gestion, tout en ne faisant presque rien pour les entreprises et les investisseurs qu'elle prétend pour aider, et encore moins pour la société. »
Il ajoute : « Je suis convaincu qu'il n'y aura bientôt plus de place que pour deux types de personnes dans l’ESG. Les premiers seront les idiots utiles, des individus bien intentionnés qui croient faire avancer la cause du bien, alors qu'ils s’embourbent auprès des fournisseurs de données ESG, des consultants spécialistes de l’investissement durable et des fonds d'investissement durables. Le second groupe regroupe les laquets incompétents, qui ont conscience du vide derrière le concept, mais y voient une opportunité de gagner de l'argent. »
L’argument de Damodaran néglige un troisième groupe : les investisseurs qui souhaitent mieux intégrer les données E, S et G dans leur analyse et ne donnent pas la priorité à « sauver le monde » à travers leur stratégie d'investissement.
Ce groupe se concentre sur l'évaluation de ses investissements plutôt que sur l'expression de ses valeurs dans ses investissements, ces derniers étant une considération secondaire par rapport aux premiers.
Cela ne veut pas dire que les considérations ESG ne sont pas importantes ; il va de soi que, à mesure que les entreprises divulguent davantage d'informations environnementales et sociales, les investisseurs peuvent de plus en plus intégrer ces données dans les cours de Bourse.
De plus, les consommateurs peuvent faire des choix avec leur argent qui correspondent à leurs propres préférences en matière de durabilité.
Comprendre les risques financiers importants que les choix des consommateurs, l'augmentation de la réglementation et l'examen des pratiques de gouvernance de gestion ont sur les flux de trésorerie futurs d'une entreprise est une partie prudente d'une décision d'investissement holistique, et non une entreprise insensée destinée à « faire le bien » ou à tromper les clients.
Nous considérons l'ESG comme tout type de risque ou d’opportunité potentiel(le) auquel une entreprise est confrontée.
Il se peut que les émissions de carbone ne signifient rien pour un éditeur de logiciels et puissent être ignorées en toute sécurité.
De même, un groupe minier qui extrait du charbon peut être considérablement sous-évalué si un fonds de pension vend ses actions à un degré tel qu'il escompte exagérément la rapidité avec laquelle la demande s'érodera.
Nous pensons que le principal objectif des investisseurs devrait être de rechercher des opportunités d’investissement en considérant les actions d'entreprises se négociant avec une décote suffisante par rapport à leur estimation de juste valeur, afin de générer un taux de rendement approprié en fonction du risque pris.
Comprendre les principaux risques et opportunités ESG dans le cadre de ce processus est une caractéristique d'une plus grande transparence et plus grande attention portée à l’ESG.
Alors, qu'en est-il de l'investissement durable ? Nous pensons qu'il est essentiel de séparer le risque de l'impact lors de l'examen des objectifs ESG, en particulier lorsque la relation entre les deux peut être positive, négative, voire inexistante selon la situation.
Lorsqu'ils examinent spécifiquement le risque ESG, les investisseurs se concentrent sur les menaces (ou opportunités) potentielles liées aux résultats des entreprises ; toute considération de l'impact positif potentiel d'une entreprise ne porte que sur le retour sur investissement futur qu'elle pourrait générer.
Il est possible qu'une entreprise qui génère un impact positif puisse en tirer de solides résultats sur le plan boursier, mais ce fait n'est pas acquis.
De nombreuses entreprises ont été punies par des investisseurs pour des activités favorables à l'ESG qui ont pesé sur le résultat net, tandis que certaines entreprises notées négativement d’un point de vue ESG n'ont pas fait face à une amélioration.
Certains des commentaires les plus acédés de Damodaran se concentrent sur les mérites d'investir principalement pour conduire un changement sociétal positif.
Le marché secondaire des actions publiques reflète l'opinion mitigée de milliers d'investisseurs, et l'évolution continue des cours de Bourse reflète un débat constant sur l'avenir de chaque entreprise.
Ce sont ces désaccords qui créent des opportunités d'achat. En effet, si tous les investisseurs étaient d'accord et avaient toujours raison, chaque actif serait parfaitement à son prix.
Rappelons qu’au-delà du tri parfois subjectif entre les « bonnes » et les « mauvaises » entreprises, les investisseurs disposent d’autres moyens pour influencer ces dernières, comme le vote lors de l’assemblée générale ou engager un dialogue actif avec ses dirigeants.
Pour les investisseurs principalement axés sur la performance financière, une distinction importante qu’il faut prendre en compte lors de l'intégration de l'ESG dans un processus d'investissement : ce qui « doit » se produire et ce qui est susceptible de se produire.
Pour un avenir plus durable, la science prévaudra, les entreprises réussiront à équilibrer la ligne de démarcation entre le capitalisme des actionnaires et celui des parties prenantes, et les externalités (comme les prix du carbone) seront équitablement partagées en tant que coûts internalisés par les consommateurs et les investisseurs.
En tant que professionnels de l'investissement, nous devons toujours nous concentrer sur ce qui est le plus susceptible de se produire.
Le jugement ne doit pas être axé sur le « bien » par rapport au « mal », mais sur la séparation de l'avenir idéal et de l'avenir probable - une vérité sans doute plus froide, mais plus pragmatique.
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