Correction du secteur technologique : « bis repetitae » ?

La correction en Bourse du secteur technologique peut-elle suivre le même chemin que l'éclatement de la bulle Internet en 2000-2002 ?

Jocelyn Jovène 23.09.2022
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nasdaq

Lorsque la dernière bulle technologique a implosé, l'indice NASDAQ a perdu près de 80 % en un peu moins de deux ans, entre 2000 et 2002. L'histoire pourrait-elle se répéter ?

La correction qui a commencé fin 2021 a vu le même indice baisser de 31 % jusqu'à présent par rapport à son dernier plus haut.

Il semble donc, dans un contexte de possible récession, que la baisse soit loin d’être terminée.

Et comme dans chaque phase de correction boursière, la liste des « victimes » pourrait être longue.

 

SPACs et entreprises non rentables

Au premier rang figurent les SPAC. Ces véhicules financiers qui ont levé des tonnes d'argent lorsque les taux d'intérêt étaient bas, dans le but d'acquérir une société cotée ou de fusionner avec une dans les deux ans, sont touchés par la baisse des valorisations et le manque de liquidité ou de financement.

Certains des promoteurs les plus en vue des SPAC jettent actuellement l'éponge.

L'implosion précédente de la bulle était davantage liée à des scandales comptables (Enron, Worldcom), à l'utilisation de magouilles financières (comme des éléments hors bilan) ou au recours excessif à des produits dérivés (qualifiés à l'époque d'"armes de destruction massive" par Warren Buffett).

Il existe un certain nombre d'entreprises non rentables qui le resteront probablement pendant un certain temps, certaines pour des raisons temporaires (en raison du risque plus élevé de récession), mais d'autres pour des raisons plus structurelles et valables (l'incapacité à prouver que leur modèle économique crée de la valeur, car le rendement qu'ils génèrent ne couvre pas leur coût du capital).

Ce fut le cas en 2000-2002 lorsqu'une entreprise comme Pets.com a été liquidée un an après avoir été cotée en Bourse.

Révisions des bénéfices

Une raison plus fondamentale de voir la correction se poursuivre serait une révision à la baisse des estimations de bénéfices.

Jusqu'à présent, le principal moteur de la correction du marché a été une compression des multiples de valorisation, provoquée par la hausse des taux d'intérêt et la crainte d'une récession ultérieure.

Mais les estimations de bénéfices ont plutôt bien résisté.

Il y a eu récemment un certain nombre d'avertissements importants sur les bénéfices, tels que ceux de Snap, Zoom Video Communications or Peloton Interactive, qui étaient les têtes d’affiche du monde pandémique, mais jusqu'à présent, ceux-ci semblent plus idiosyncratiques que de révéler des problèmes plus larges.

Cela pourrait ne pas durer éternellement et pourrait amener les analystes à revoir à la baisse leurs estimations de bénéfices à l'avenir.

Actuellement, le bénéfice de l'indice composite NASDAQ est de 311 dollars par action, ce qui signifie que l'indice se négocie actuellement sur un P/E de 35x, ce qui reste assez élevé par rapport aux marchés mondiaux et américains (l’indice S&P 500 se traite sur un P/E plus proche de 16x à l'heure actuelle, en ligne avec sa moyenne historique ; le Stoxx Europe 600 se traite sur un multiple de 12-13x).

L'un des principaux risques identifiés par les investisseurs serait un scénario de récession, ce qui conduirait à une révision à la baisse des prévisions de résultat et, toutes choses égales par ailleurs, à une nouvelle phase de baisse pour l'indice phare américain.

D'après les derniers commentaires de Jay Powell, ce scénario est de plus en plus probable.

La conclusion pour les investisseurs serait dès lors la suivante : attendez de voir comment les bénéfices évoluent au cours des prochains trimestres avant de commencer à rechercher des opportunités.

Plus dure sera la chute ?

Certains investisseurs pourraient également prendre en compte des facteurs techniques.

Le NASDAQ Composite est passé sous sa moyenne mobile de 200 jours au début de cette année.

En 2000, lorsque cela s'est produit, l'indice a fortement baissé comme nous l’avons vu.

L'analyse graphique n'est pas une science exacte et il y a plus d’autres moments où les deux lignes se sont croisées, comme au quatrième trimestre de 2018, au cours de l'été 2015, lors de la crise de l'euro de 2010-2012, et bien sûr la crise financière de 2008.

Tous ces épisodes ont été déclenchés par différents événements macroéconomiques, mais aucun n'a généré une chute du marché de l'ampleur de l'implosion de la bulle technologique de 2000 - une des raisons à cela pourrait être le fait que les banques centrales conduisent depuis 2008 une politique monétaire très accommodante.

Le revirement de politique monétaire, et la remontée des taux réels, sont sans doute l’un des facteurs qui pourraient prolonger la tendance actuelle à la baisse de l’indice phare de la Bourse américaine.

 

Que faire

En tant qu'investisseur, si vous essayez de prévoir le marché et de prédire quand le NASDAQ atteindra un creux, vous vous engagez dans une partie très difficile.

Prévoir le marché n'est pas vraiment un mantra chez Morningstar, car notre recherche a montré à maintes reprises que cela entraîne une baisse des rendements pour l'investisseur.

En revanche, si vous vous concentrez sur le long terme et que vous pouvez psychologiquement vous abstraire du bruit du marché, votre principale préoccupation consiste à acheter des actifs de qualité et à faire attention à la valorisation.

À cet égard, la volatilité des marchés n'est pas un problème. Certes, il est difficile d'encaisser des pertes virtuelles lorsque vous pensiez avoir trouvé une bonne affaire et que vous voyez le cours de l'action baisser encore de 30 ou 40 %, mais si votre actif est de qualité, cela ne devrait pas trop vous déranger.

Comme le dit Warren Buffett, sur le long terme, une action est un morceau d’entreprise. Et une entreprise bien gérée sait profiter des phases de crise pour sortir renforcée, ce qui bénéficie in fine à son cours de Bourse.

Prêter attention à la valorisation est le principal moyen qui vous aidera à générer des rendements raisonnables et à contrôler le risque.

 

© Morningstar, 2022 - L'information contenue dans ce document est à vocation pédagogique et fournie à titre d'information UNIQUEMENT. Il n'a pas vocation et ne devrait pas être considéré comme une invitation ou un encouragement à acheter ou vendre les titres cités. Tout commentaire relève de l'opinion de son auteur et ne devrait pas être considéré comme une recommandation personnalisée. L'information de ce document ne devrait pas être l'unique source conduisant à prendre une décision d'investissement. Veillez à contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute décision d'investissement. 

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
Peloton Interactive Inc9,38 USD1,63
Snap Inc Class A11,40 USD0,88Rating
Zoom Video Communications Inc85,60 USD1,84Rating

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.