(Cette dépêche a initialement été diffusée mardi 3 janvier 2023)
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Avec une inflation persistante et la perspective d'une récession, la conjoncture restera le principal moteur pour les marchés en 2023. Mais le niveau des valorisations, après la chute des marchés en 2022, et la reconstitution des rendements obligataires donnent davantage de confort aux investisseurs. Les emprunts d'Etat américains offrent une rémunération proche de 3,9% à dix ans. Elle est de 2,5% pour le Bund en zone euro. Le taux du deux ans américain atteint 4,4%, au plus haut depuis 2007. Dans le crédit, nul besoin d'aller sur les émetteurs "high yield" (HY), ou haut rendement. La catégorie "investment grade" (IG) offre 4% sur le marché euro.
Pour Stéphane Déo, responsable de la stratégie de marchés chez Ostrum AM, "2023 sera l'année des taux et du crédit en raison d'une baisse de la volatilité attendue, avec des banques centrales qui atteignent la vitesse de croisière, une rentabilité restaurée après une longue période de taux négatifs et des spreads de crédit qui reviennent sur des niveaux plus raisonnables après les excès de pessimisme de 2022". Un constat partagé par de nombreux gérants en ce début d'année, dont Amundi. Ce choix tactique semble d'autant plus judicieux que le marché va se focaliser désormais sur la croissance et le risque de récession, même modérée, notamment en Europe en raison de la crise énergétique. Les emprunts d'Etat devraient jouer leur rôle d'amortisseur face au choc macroéconomique et au risque géopolitique qui n'a pas disparu.
Le retour du rendement
Les gérants de Pictet AM ont également une préférence pour les obligations gouvernementales ainsi que pour le crédit IG global qui affiche désormais des rendements supérieurs à ceux des marchés actions (le double de ceux de l'indice S&P 500), y compris des stratégies à haut dividende, selon Frédéric Rollin, conseiller en investissement. "Au premier trimestre, le secteur obligataire sera à privilégier, les anticipations de hausse des taux intégrant une très large part de l'action des banques centrales", ajoute Alexandre Hezez, stratégiste chez Banque Richelieu. Avec une préférence pour les entreprises IG de qualité. Surtout si le scénario de récession modérée joué par le marché se vérifie.
L'une des clés cette année restera l'inflation, qui devrait atteindre son pic, et la politique monétaire. Une stabilisation des anticipations de hausse des taux des banques centrales permettrait un resserrement supplémentaire des spreads de crédit. Et ce malgré le risque macroéconomique.
Mais tous ne sont pas aussi confiants. "Même si la récession devrait être modérée, les autorités monétaires et budgétaires ont peu de marge de manœuvre", relève Géraldine Sundstrom, gérante en allocation d'actifs chez Pimco. Celle des gouvernements est limitée par leur important endettement. De leur côté, "les banques centrales ne vont pas pouvoir réagir comme d'habitude et il ne faut pas s'attendre à une baisse des taux de façon agressive comme le pensait jusqu'à récemment le marché", poursuit-elle.
La Réserve fédérale (Fed) américaine et la Banque centrale européenne (BCE) ont été sans ambiguïté sur la nécessité de poursuivre leur resserrement monétaire. Le problème est l'inflation inerte. "Ramener l'inflation de 10% à 4% est facile. Passer de 4% à 2% est plus compliqué", indique la gérante. Dans ce contexte, les taux des banques centrales devraient continuer de progresser et rester à un niveau élevé encore de longs mois. C'est également le sentiment des stratégistes du BlackRock Investment Institute: "Les banquiers centraux ne viendront pas à la rescousse lorsque la croissance ralentira dans le nouveau régime macroéconomique et de marché, contrairement à ce qu'attendent les investisseurs".
Ces stratégistes préfèrent un positionnement sur les maturités courtes des obligations d'Etat au détriment de la duration longue qui risque de souffrir encore de l'inflation. "Les obligations d'Etat à long terme ne joueront pas leur rôle traditionnel de diversification des portefeuilles en raison de inflation persistante", expliquent-ils. "Et les investisseurs pourraient exiger une compensation plus élevée pour la détention de titres", entre resserrement des conditions monétaires et endettement élevé, préviennent-ils également. La zone euro est particulièrement à risque avec un niveau d'émissions nettes très élevé cette année. Les titres indexés sur l'inflation restent une bonne protection face au risque inflationniste, selon le numéro un mondial de la gestion. Les investisseurs sont également plutôt négatifs sur le dollar.
A l'écart des actions
Si le choix des investisseurs se porte clairement sur l'obligataire, la prudence vis-à-vis des actifs risqués (actions et HY principalement) est aussi partagée. Le scénario de ralentissement et de pause dans le resserrement monétaire "semble meilleur pour tous les types d'obligations, du souverain au crédit, plutôt que pour les actions et certaines matières premières", estime Alain Bokobza, responsable de l'allocation d'actifs chez Société Générale CIB. "Ce n'est pas le moment d'accroître les poches risquées notamment les actions. Nous démarrons donc l'année avec une faible exposition au risque dans les portefeuilles", ajoute Géraldine Sundstrom. Privilégier les actions serait d'autant plus prématuré que les consensus de prévisions des bénéfices sont trop élevés. Les bénéfices des actions en Europe et aux Etats-Unis devraient baisser avec la récession. "Les valorisations des actions ne reflètent pas encore les dommages à venir", affirment aussi les stratégistes de BlackRock.
Le retour sur les actifs risqués ne se ferait que dans un deuxième temps, probablement au second semestre, "une fois que la récession sera là, qu'on en connaîtra l'ampleur et qu'il sera possible d'avoir une bonne compréhension de la réaction des banques centrales et des gouvernements", juge la gérante de Pimco. Mais pour les stratégistes de BlackRock, ce ne sera pas pour autant le prélude à une nouvelle décennie de marché haussier sur les actions et les obligations. Les principaux risques sont une inflation élevée persistante et une récession forte, deux éléments négatifs pour les actions. Le second étant plus douloureux, avec une probable nouvelle forte correction à la clé.
-Xavier Diaz, L'Agefi ed: VLV
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