Ubisoft dévisse en Bourse après avoir publié le plus gros avertissement sur résultat (« profit warning ») de son histoire, lequel pousse le marché à s’interroger sur la pérennité de son modèle économique et à la pertinence des choix de ses dirigeants.
La saison des fêtes a été particulièrement décevante pour le groupe, qui cumule de surcroît d’importants retards sur certaines grosses franchises, en particulier son jeu « Skull and Bones » qui devait sortir en… 2018.
L’annonce de son avertissement oblige les dirigeants d’Ubisoft à faire le point sur leur stratégie de long terme.
Celle-ci « a consisté à créer des jeux Live persistants et adapter nos franchises les plus fortes (…) pour en faire des véritables marques mondiales. Toutefois, les jeux issus de cette phase d’investissement n’ont pas encore été lancés, tandis que nos lancements récents n’ont pas donné les résultats attendus », souligne la société dans un communiqué de presse diffusé le 11 janvier après-Bourse.
« Nous nous attendons à ce que notre stratégie visant à créer des jeux Live persistants et transformer nos plus grandes marques en véritables phénomènes mondiaux avec des offres multiples à travers les plateformes et les modèles économiques, finisse par générer une création de valeur significative », indique Yves Guillemot, PDG de l’entreprise.
Outre des réservations plus faibles que prévu, Ubisoft est contraint d’annuler encore d’autres lancements de jeux, de déprécier certains actifs et de lancer un plan d’économies.
Tout ceci pèse sur les performances financières de l’entreprise, qui prévoit une chute de plus de 10% des ventes, contre une croissance de plus de 10% auparavant ainsi qu’une perte opérationnelle non-IFRS de 500 millions d’euros (contre un profit de 400 millions d’euros).
Histoire de rassurer, le groupe n’attend pas la publication de ses résultats annuels (clos fin mars) pour annoncer un retour à un profit d’exploitation non-IFRS en 2024 (environ 400 millions d’euros).
Ce nouvel avertissement majeur est lourdement sanctionné par la Bourse, le cours de Bourse chutant de 15% à la mi-journée.
Et la confiance dans l’équipe de direction est bien en jeu.
« Ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les annulations de jeux et les retards continus », observe Neil Macker, analyste chez Morningstar, dans une note. Il abaisse son estimation de juste valeur de 60 à 35 euros par action.
Même son de cloche un peu désespéré chez les courtiers BNP Paribas Exane, Kepler, Oddo et Société Générale.
Ces deux derniers ont d’ailleurs abaissé leurs recommandations sur la société à « Neutre » et « Vendre » respectivement, avec des objectifs de cours de 21 euros et 19,7 euros par action.
« Nous sommes déboussolés par l’ampleur des difficultés rencontrées par Ubisoft », confesse Emmanuel Matot, analyste chez Oddo BHF dans une note.
« Dans un environnement aussi incertain, les joueurs pourraient se montrer de plus en plus sélectifs dans leurs achats (se centrant uniquement sur les plus grandes marques) et acheter moins de jeux que par le passé », observe Richard-Maxime Beaudoux, analyste chez Société Générale.
Charles-Louis Scotti de Kepler est plus explicite : « Ce nouvel avertissement va un peu plus dégrader la confiance des investisseurs dans l’exécution [de la stratégie] par l’équipe de direction, alors que le titre manque de catalyseurs à court terme en l’absence de sortie de jeu majeur », écrit-il.
Même sentiment de la part de Nicolas Langlet, chez BNP Paribas Exane : « Si [les mesures de restructuration] pourraient aider Ubisoft à être mieux positionné pour les années à venir avec un portefeuille nettoyé et une base de coût allégée, elles vont peser à court terme et le risque d’exécution demeure élevé. »
Ubisoft ne fait sans doute qu’anticiper des jours à venir plus difficile pour l’industrie des jeux vidéo, confrontée comme d’autres secteurs à un ralentissement de l’économie mondiale et à une inflation qui pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs.
Au vu des difficultés à gérer et de la perte de confiance, il est peu probable que la très faible valorisation du titre, qui se traite moins de 10x les bénéfices attendus en 2024 (avant leur probable révision en baisse par le consensus des analystes), suffise à attirer de nouveaux les investisseurs.
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