PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'offre de reprise partielle annoncée mercredi par Lufthansa sur ITA Airways marque la fin d'un long statu quo pour les fusions et acquisitions (M&A) dans le transport aérien en Europe.
Si aucun montant précis n'a été dévoilé pour la prise de participation de 40% envisagée par la compagnie allemande au capital de son homologue italienne, le protocole d'accord en cours de négociation avec Rome inclut la possibilité pour Lufthansa d'acquérir ultérieurement le solde du capital.
Ce point constitue une surprise car « le gouvernement italien avait auparavant exprimé son intention de conserver une participation dans ITA », relèvent les analystes crédit de Spread Research.
Ils ajoutent que le prix de 200 millions à 300 millions d'euros estimé pour cette prise de participation initiale « représente seulement 0,1 fois l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) de Lufthansa sur les 12 derniers mois, ce qui aura un impact limité sur son bilan ».
Lufthansa, qui a dans le passé redressé deux entreprises déficitaires, Swiss et Austrian Airlines, devra prouver qu'elle pourra faire de même avec sa nouvelle cible sur un marché convalescent et toujours très concurrentiel dans les vols moyen-courriers.
Malgré la solidité financière du groupe allemand, les analystes d'Alliance Bernstein jugent que « le succès de la restructuration d'ITA en vue d'en faire une compagnie aérienne rentable dans la durée est loin d'être assuré ».
Et de rappeler les pertes récurrentes générées durant des dizaines d'années par l'ex-compagnie nationale Alitalia.
Plusieurs enquête menées sur TAP
Les spécialistes du secteur restent en outre partagés pour déterminer si cette transaction déclenchera un mouvement plus large de concentration.
Parmi les cibles potentielles figure TAP Air Portugal.
La compagnie, renationalisée dans l'urgence en 2020, est « en avance sur certains des objectifs » de son plan de restructuration, a déclaré mercredi lors d'une audition parlementaire sa directrice générale, Christine Ourmières-Widener.
Alors que Lisbonne a annoncé son intention de procéder à une vente partielle ou totale de l'entreprise, la dirigeante a souligné que TAP avait désormais « besoin de stabilité ».
Mais de nouveaux préavis de grève ont été déposés par les syndicats de TAP pour la fin janvier.
Le groupe est de surcroît visé par plusieurs enquêtes émanant de la Cour des comptes portugaise, d'une commission parlementaire et du Parquet général.
Ces enquêtes portent sur les conditions financières liées au départ d'une administratrice, Alexandra Reiss, qui a par la suite rejoint le gouvernement socialiste comme secrétaire d'Etat aux Finances avant de devoir démissionner de cette fonction fin décembre 2022.
Le moment semble donc peu propice à un changement de contrôle de la compagnie.
Des réticences exprimées par easyJet
La compagnie scandinave SAS et sa concurrente britannique à bas coût easyJet sont d'autres cibles possibles, avancent les analystes de Kepler Cheuvreux.
En s'emparant d'easyJet, Lufthansa « renforcerait sa position concurrentielle en Grande-Bretagne, à Paris-Orly et à Genève », expliquent-ils.
Mais la compagnie britannique a récemment estimé qu'une opération de M&A « pren[ait] beaucoup de temps tout en étant très compliquée à réussir en Europe ».
SAS, placée depuis l'été dernier sous la protection de la loi américaine contre les faillites, est pour sa part loin d'avoir terminé sa restructuration financière.
Michael O'Leary, directeur général de la compagnie irlandaise à bas coûts Ryanair, table de son côté sur une concentration qu'il juge indispensable à l'issue de la pandémie.
« TAP finira dans les mains de British Airways (groupe IAG) et je pense qu'easyJet sera rachetée séparément ou conjointement par British Airways ou Air France, après quoi Lufthansa s'emparera de la compagnie hongroise Wizz Air », a-t-il pronostiqué mardi.
Le transport aérien en Europe deviendra selon lui « un marché où il y aura quatre très gros transporteurs un peu comme en Amérique du Nord », ce qui accroîtrait le potentiel de croissance de Ryanair, selon Michael O'Leary.
-Yves-Marc Le Réour, L'Agefi. ed: LBO
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